Chroniques saturniennes 1 / D’un nuage, Grand Paris, les caves du Vatican, les pro-anti-Oedipe

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L’écologisme dominant nous parle de fin du monde à longueur de journée pour nous faire avaler la pilule de la désindustrialisation de la France et le relookage de la vieille droite MRP en un parti « écolo de gauche ». Or voilà que pour une fois, la nature fait vraiment des siennes, un volcan entre en éruption, bloque tous les transports aériens… et le gouvernement refuse de la qualifier de catastrophe naturelle ! Et laisse de surcroît les grandes firmes faire circuler sans vergogne des avions vides pour prouver à l’opinion que la situation n’est pas si dramatique. Jusqu’au crash qui démontrerait le contraire !

Le grand Passy-Orly

Pour rester dans les transports, après son échec de la droite aux régionales, le gouvernement relance sans vergogne son projet de « Grand Paris », en réalité une vaste manip immobilière qui permettra de relier les quartiers riches et financiers aux aéroports en contournant bien les ghettos. A mesure que le capitalisme redécouvre les joies du « domestic system » du XVIIIe siècle (travail des femmes enceintes chez elles, auto-entreprenariat pour s’exploiter soi-même etc.), se profile décidément non une société à double vitesse, mais l’une où l’on va vite et l’autre où l’on reste assigné à résidence, bien dans son local, sa région, sa « proximité » et son communautarisme.

Il faut savoir commencer une grève !

Dans ce contexte tout ce qu’on peut regretter, c’est non pas que les trains soient en retard mais que la grève ne soit en avance. En avance pour la grande bataille pour les retraites qui se prépare. Et l’on espère bien que la très combattive fédération des cheminots sera aussi déterminée qu’elle l’est aujourd’hui.

Ascenseur pour les fachos

Car les temps s’annoncent rudes. On peut se réjouir de la retraite annoncée de Le Pen. Certes, mais Le Pen avait l’avantage d’être peu « présentable ». Après lui, la voie est ouverte pour une alliance entre la droite et l’extrême droite. On se dirige vers une situation à l’italienne où l’on n’a le choix qu’entre fascisme de gauche – Berlusconi et Fini, dirigeant de l’ex-MSI, héritier du fascisme, ayant fusionné –  et fascisme de droite – la Ligue du Nord, parti ouvertement raciste –, sans parler des néo-fascistes. Kaczynski est au Wawel, haut lieu de la nation polonaise. Haider a désormais un musée qui lui est consacré en Autriche. Il faut se garder qu’on ne mette bientôt Rousseau et Jean Moulin à la fosse commune et les hoirs de Le Pen – naturels ou pas – au Panthéon.

Vatican contre Vatican II

En parlant de fascisme, après cinq ans tout juste, le Vatican de Benoit XVI ressemble de plus en plus à l’image qu’on pourrait se faire d’un « Etat voyou », pour reprendre une expression consacrée. Projet de béatification de Pie XII, réintégration des intégristes dont Williamson qui nie l’existence des chambres à gaz et a été condamné pour cela cette semaine, la petite brésilienne excommuniée pour avoir avorté après un viol, et aujourd’hui le scandale des prêtres pédophiles couverts par leur hiérarchie : les athées doivent se frotter les mains. Oui bien sûr. Mais ce serait faire trop plaisir à Ratzinger que d’opposer dans l’affaire les croyants aux non-croyants. Ce qui est en jeu, ce n’est pas le christianisme, c’est la légitimité d’une Eglise-Etat, d’une monarchie pontificale qui se croit au-dessus de la justice civile. Pour être efficace, c’est un combat pour la laïcité qu’il faut mener, et pourquoi pas avec les « hommes de bonne foi ».

Signe des temps, ce sont des associations catholiques de victimes qui obligent l’Eglise à parler aujourd’hui. C’est à ces chrétiens qu’il faut tendre la main, comme à tous ceux qui se battent de l’intérieur de l’Eglise, pour que les meilleurs aspects de Vatican II triomphent de l’obscurantisme. Et surtout les mouvements qui se battent les armes à la main en Amérique latine, comme ceux de la théologie de la libération. C’est ce que n’a visiblement pas compris l’anticlérical de service Onfray dont nous allons parler maintenant.

Le pro-anti-Œdipe

Ça y est, il l’a fait. Il ne manquait plus à Onfray que le coup de l’anti-psy. Onfray, c’est le deleuzo-foucaldisme prêt à porter : « le pouvoir est partout » sauf au collège de France naturellement. Aujourd’hui il est partout, dans les cabinets des psys mais surtout pas à Caen ni à France Culture. Debord se moquait des « pro-situs ». Voici les pro-anti-Œdipe. Les aspects les plus farcesques de Mai 68 (il y avait néanmoins un sérieux : dix millions d’ouvriers dans la rue) seront rejoués en farce de la farce. En farce et attrapes : pour attirer le public, Onfray est prêt à toutes les rodomontades. Auparavant, il avait « Hitler disciple de Saint-Jean » ; aujourd’hui il a trouvé « Freud antisémite ». Lorsqu’on sait que les sœurs de Freud ont été victimes de la barbarie nazie, c’est tout simplement abject. Surtout quand on sait à quel point il déborde d’indulgence envers Nietzsche, qu’il qualifie « d’attentionné aux vieilles dames fragiles » (sic) ou encore, pour reprendre une légende urbaine et mondaine, d’ « anti-antisémite ».

Néanmoins, l’incompétence notoire d’Onfray ne doit pas faire oublier qu’il existe une réelle faille dans l’œuvre de Freud : l’ignorance complète des facteurs de production et des rapports sociaux. C’est pour cette raison que pour parler des « masses » bêtement (il n’y a pas d’autres mots), Freud recopie presque mot pour mot des passages entiers de Gustave Lebon. D’où l’anticommunisme délirant de Malaise dans la civilisation. C’est là, à mon avis, la faille dans l’œuvre d’un grand homme, qui a tout de même comme mérite principal d’avoir libéré la parole des patients. Cela n’est pas nouveau : l’on n’a cessé d’en débattre au cours du XXe siècle.

On pourrait y renvoyer Onfray. Mais Onfray n’aime pas le débat. Il n’attaque que les morts ou bien… les anonymes ! Dans un récent article dans le Monde, il s’en prend aux internautes (concept flou) tous animés par la catégorie, elle aussi floue au possible, du « ressentiment » nietzschéen. Auteur en 2007 d’un libelle contre « le nietzschéisme de gauche », dont Onfray détient visiblement le copyright, j’attends toujours un démenti cinglant. Qui n’arrivera sans doute qu’après ma mort. Expectans expectavi…