10 révolutions (133-132) / Pierre Vinclair

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Qu’est-ce qu’une planète ? De cette matière oui songeront nos sages.

Ils marcheront, mains attachées derrière le dos, la tête coincée dans les omoplates pliées, creusant les mêmes traces rondes dans la poussière – pareils à des forçats condamnés à cercler l’œil du rien. Parmi eux Zoroastre, cent dix-huit ans (il pourrait aussi bien fêter son trois millième anniversaire) et dont la barbe clairsemée, sur le cuir mat d’un visage osseux, ne s’ouvre que pour murmurer : l’essence d’un être est son successeur au même lieu. Et le vieillard se baisse, ramasse le caillou dans lequel vient buter son pied, le jette ; celui-ci vole comme une comète. Lorsque nous baisserons les yeux nous verrons, à sa place,

une argentine. Ainsi de nos révolutions.

Révolution 132

On n’a que ce qu’on mérite. Voici venue l’année des décapitations.

Qu’on bâtirait, sous la voûte des villes, ces réseaux denses de tubes au fond desquels se distribuerait l’objective vérité du réel, sublimée dans des perles d’informations – qui parmi vous, ne l’a pas cru ? Que les journalistes, et les politiciens, ne seraient plus alors qu’insignifiants fusibles, rendant au peuple de maîtriser par la parole ses propres gestes – comme nous avons été naïfs ! Nous mourrons, démocrates. Et dans la pénombre aujourd’hui sans haut ni bas nous n’entendrons désormais plus, éclats dans ce silence, que le bruit des fusibles qui sautent – ô pauvres journalistes ! – et la symphonie pathétique, en combien de morceaux, des hommes qui craquent de n’avoir été que ce qu’ils sont. Dans ce sol, du pétrole ; de la roche en fusion

dans le trou de mes veines. C’est par ici, que toute chose a un nom.