10 Révolutions (139-138) / Pierre Vinclair

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1960

Ç’aura été l’année du Père. Il nomme la crise, nous la maquillerons, en œuvre bénévole.

On dit qu’au centre de toute mer, il y a ce tourbillon qui nous appelle, ressort d’une case vide et toujours déplacée ; on dit que les vivants y viennent, à la nage, pour frictionner les pierres, jusqu’à trouver l’acte du feu ; on dit aussi que les rêveurs attribuent à cet orifice la paternité de leurs songes, et les amants de leur désir. Juste avant la bascule, à la fin, perdu dans ses propres fumées, s’il n’a pas ignoré la danse de nos vivants, un cargo les brûlera d’un peu de kérosène, ou leur coupera les bras – n’en finira-t-on pas, avec ces idolâtres ? Si d’autres pleurent, séquestrés où les adolescents deviennent, n’est-ce pas aussi d’en avoir bu des litres, de ce sang

perdu pour doubler les canaux ? Ils seront si heureux qu’ils ne le sauront pas.

Révolution 138

Les Romains eurent bien leurs gladiateurs ! Entrevoyons la possibilité d’une clôture.

Les Nations ont été les provinces de la Télévision, ou plutôt : les soldats, des acteurs terribles, faisaient face aux enfants, jusqu’à ce qu’on leur refuse un tel spectacle. C’était lui préférer, sublime, celui de batailles d’or ; elles continuent, sur les planches d’un théâtre cette fois imaginaire, la guerre entre les hommes. Dans les gradins, d’autres se lèvent : la matière sonnante a une âme, grondent-ils, elle saigne aussi, et remplacent cet or par des combinaisons de chiffres. Les ordinateurs chauffent, les mathématiciens s’agitent, mais les enfants pleurent : la guerre leur file, tout à fait, entre les doigts. Mignons, qu’ils aiment le sang ! Des corps suffiront-ils ? Les hommes qui tournent, sur la piste rouge,

courent derrière leur dossard. On dit qu’ils vont se rejoindre, qu’ils peuvent.