COMMENT TROUVER COMMENT CHERCHER / Emmanuel MOSES

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…………………………………PREMIER MOUVEMENT

Ouvre la fenêtre et laisse entrer le soir…

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L’ormeau était blessé dans la lumière du matin l’humiliation l’emmurait

………………………………..face au ciel : un remue-ménage

de lumière et de nuages il dressait son langage oublié ses feuilles hésitaient à la croisée des routes le tronc avait cela qu’ont les nuits sans amour qu’on taira pour ne pas attraper la tristesse pour laisser aux choses précieuses leur odeur de secret

…………car la rareté inestimable est là

tu le sais: toi à qui je m’adresse au fond de moi l’album qui s’épaississait d’occasion en occasion c’est le livre de notre vie il parle de pauvreté plus que de ruse et vaut son pesant d’étoiles  argentées

aussi fausses que vraie fut la nuit…

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On te dépose et te bénit
…………comme la lumière oblique du matin automnal et ce lit de plumes où tu fus porté

…………..où tu fus déposé sans ton nom épineux

avec quelle légèreté et brillance!

L’ouvrage est lent et le devoir ressemble à l’aiguille qui retarde l’action se succède si elle n’a pas précédé sa propre âme ce miel blanc sortira de nos bouches

et viendra emplir ta bouche et tes orbites

Peut-être qu’ensemble nous formerons enfin un sablier
et que le temps sera aussi blanc

Un mouvement délicat pliera la lumière à l’approche du soir nous serons au moins quatre et c’est déjà foule ou en tout cas son début

sur l’aire débarrassée du grain

Nous serons eau avec toi le ruisseau rose du soir

……………………………………brodé d’argent

………..à travers l’aire

Des os de squales qui éclataient dans l’aube une fin de procession après tous les cauchemars la jument ne cessait de s’enfoncer en terre

frémissant au coeur de la nuit –

Il y avait écume de bouche et d’horizon l’envergure des mouettes planait encore comme un seul fantôme assigné à un rôle de dédoublement

pour que la mer s’agite en plein du ciel

Au sortir du vieux parcours voilà sur le sable la blancheur des enfants qu’elle est sèche et fine!

tu sauras protéger leur signe –

Quel corps a chu parmi les fougères quel autre toi issu de la femme à la mésange

…………………………….de la femme à la tourbe?

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……………………….On sifflait des airs gais sur le ponton
……………………….et des complaintes entre les pilotis –

Reprends tes ombres claires et plus sombres je te devinerai au fond des halliers là où il n’y a nul passage pour le gibier je maudis ton penchant qui te hisse jusqu’aux êtres faibles

sans lesquels tu errerais encore dans la pierraille

Ou les lits de ruisseaux semblables à des chemins sans espoir quand tu gagnes la partie,vous êtes deux à avoir perdu tu me rappelles les intermédiaires aux abords des gares dont les mains contiennent le paradis —

c’est-à-dire cette petite clé pour ouvrir et fermer les coeurs

La journée est bien entamée
…………on pressentirait presque déjà le soir un étrange vent glacé épargne le corps et fond sur l’âme ô mon plateau d’argent qui récolte des miniatures!

ô – presque miroir…

À chacun son souffle et sa ténacité un autre aurait parlé de gloutonnerie quand je passe devant l’hôpital je cherche toujours des yeux les pies sur la pelouse

rien ne les distrait – elles filent par bonds à mi-monde

Qui va là? – cette affreuse lumière anté-crépusculaire qui va là? – mon âme, le vent… quelques gouttes qui sont comme la transsubstantiation du temps qui va là? Qui va là, mon tocsin, mon petit renard – qui monte des déserts du temps? J’ai entonné ma complainte

………………..j’ai poussé ma chansonnette

disais-tu quand on voulait bien te payer pour entrer en scène qui va là – encore une charrette pleine de fantômes

…………encore un quadrille –

mes pauvres pieds perclus d’ampoules n’en peuvent plus de danser

………..où sont les rondes d’autrefois?

Même marcher devient difficile même supporter le poids infime du vent il était une fois un roi et son fils…

…………………………..la chanson s’arrêtait toujours là

se tenaient-ils sur une falaise se tenaient-ils sur un rempart –

…………………………………………l’histoire ne le dit pas

mais le porteur de nouvelles était jeune

…………………………………………et voué au trépas

qui va là? Le jour se relève et secoue ses cendres

la terre a cent visages de lumière – – –

Ton château arrivait au bout du sentier et rien qu’un haillon sur le portail – était-ce un drapeau de misère ou d’espoir? Le musicien t’imaginait en train de chanter et le jongleur se voyait passer ses mains dans ton cou moi, je ne savais pas si tu serais silencieuse si tu rirais parce que je t’avais quittée petite et joyeuse tu avais des yeux qui ressemblaient à un feuillage doré et une peau fine tes lèvres répandaient une ombre bleue maintenant tu serais peut-être l’air lointain qui souffle de la lune et se moque du voyageur tu serais peut-être la terre lourde un lourd manteau appesanti de pluie –

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Toute une nuit obscure pour un moment de clarté et autant de douleurs pour le plaisir j’ai vu la lune et sa promesse

……………………………………..quand personne ne la voyait

la ville gronde au lieu de dormir

…………les accents du violoncelle passent entre les côtes

montent et descendent avec le sang

……………………………………………………….qui refuse de dormir

Les grues reviennent dans ce ciel bleu d’arrière-plan l’âme a fait des rêves! elle a suivi les yeux et toute la trôlée des sens elle se glisse dans les maisons roses les agite de son infini il y a alors du mystère qui s’allume aux fenêtres la porte vibre comme la peau du ventre les grues ont détrôné les autres oiseaux elles volent en formation à travers le jour sortes de fourmis aériennes des petits chemins se déroulent sur la pente des collines ou se tendent à la manière de cordes on peut sérieusement dire que les nuages nous trompent de arbres chargés de fruits naissent du soleil ils respirent silencieusement

ils fendent la pensée silencieusement

Les persiennes grincent dans le soir il a pitié de nous il est beau de paraître ne pas vouloir finir les bandes d’oiseaux passent

………………………………………quelques nuages aussi

mais l’instant demeure

…………………………….et l’or!        Le ciel habillé

il a plu naguère la lumière avait été chassée

……………..;….par un ciel pierreux

comme une traînée peut l’être des quartiers nobles

. ……………vers une périphérie pauvre et vile

mais une cloche a annoncé son retour quelqu’un a sifflé dans le soir un amoureux attend sa belle les corps se trouveront plus tard sous le feuillage dense de la nuit il semble tenir le bourdon à tous les battants qui se ferment son coeur un peu alarmé a bu l’apaisement aux vastes couleurs

à cette eau éclatante…

Et le coeur ne s’ouvre pas… la nuit les trottoirs sont plus noirs que des gouffres

………….les lumières ont l’éclat de la glace

le coeur devient l’intermittence même il pompe la vie et la non-vie il propulse la plus rouge des vies pour l’ouvrir des dents s’arrogent des droits des lames rêvent

elles se mettent à rêver au moment où le soleil décline et qu’arrivent les                                         …………………………………………………………..grands froids

le coeur est un papillon qui meurt et renaît il n’a pas peur de vivre pour ouvrir il fallait appuyer comme le front contre le carreau comme la bouche s’appuie à la bouche quand le matin se lève la ville a repris ses mystères toutes traces effacées à cette heure-là ceux qui cherchent une réponse dans les bassins des

. /…………………………………………………………………………..jardins publics

trouvent un ciel déjà bien entamé parce que le monde a un coeur et que les hommes pèsent dessus de leur poids accablant on pourrait dire que l’hiver sort d’une saison usée elle aussi sarments secs grains gelés que mord le vent qui passe

………………………………………..deçà delà

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.…………………………………………………………………………….pour C.V.
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Horace est assis sur un banc Virgile descend acheter du raisin noir d’Alsace et Catulle dérive de café en café ce raisin donne un vin délicieux qui a la couleur de l’amour et des voyages la belle couleur de l’amitié aussi en le regardant remplir le verre on pense au passé, à la lointaine enfance, là-bas, au milieu des vignes, à la vie qui a produit son propre vin mûri par les soleils, condensé par le givre on voit des scènes de baisers, de départs dramatiques, quelqu’un siffle dans notre dos une ancienne mélodie il y a bel âge qu’elle nous charme les oreilles qu’elle chauffe le sang et le creux du ventre qui marche derrière nous? Un inconnu, sûrement, il ne se doute de rien, qu’il rallume un feu que l’on croyait éteint, nous nous suivons à peu de distance la nuit d’automne est inhospitalière tout survient bien trop vite mais quand on lève la tête à n’importe quelle heure du jour les vols d’oiseaux en route pour les douceurs de l’Afrique ou de l’orient nous ramènent le temps qui a fui qui fuit la mesure, l’ordre une certaine raison terrestre

………………………………………….et même plus-que-terrestre

…………………………………………………………………………………….pour Judith H.

Toi – le plus précieux – oiseau solitaire dans le ciel du soir mon regard te répond tu suis ton chemin sans jamais laisser de traces tu es l’heure, chaude et vive, tu es le vent car ta vie elle-même fait rage tu es comme un poing crispé en travers du ciel comme l’homme de Dieu monté à Béthel tu lances à corps perdu ta parcelle de nuit sommes-nous les sacrifiants ou les sacrifiés? L’or nous entour pour un moment encore… le même que celui  des moissons… toi qui rachètes en un instant ce qui nous emplit et nous vide qui rachètes l’immensité immobile autour de nous esquif aux mille naufrages, une prière fugace monte vers toi des lèvres de ceux qui ne peuvent plus prier ou qui n’ont su comprendre leur propre silence – peut-être es-tu un fruit de l’astre céleste ou une espèce d’ange inconnue qui fait de nous des inconnus et tels nous donne au monde…

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Tels il nous donna le monde

Ce qui frappe le promeneur certains soirs c’est le silence qui fige la ville et pourtant, le mouvement n’a pas cessé ici une suite d’automobiles ou un bus là des amoureux qui glissent le long des trottoirs à la terrasse des restaurants les serveurs se penchent vers les clients avec leurs saucières et leurs bouteilles de vin rouge mais le silence étend partout son empire un silence discret et un peu triste il exhale une odeur de pierre et de feuillage c’est un extra-terrestre descendu de la lune qui l’illumine et qu’il enveloppe en retour une marée profonde aussi un vaste lit en plumes de cygne noir le promeneur aimerait s’échapper au lieu de quoi il se laisse entraîner vers l’amour

…………………………………………………..vers l’enfance

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Il cherche une logique, des symétries
mais tout est asymétrique.

Les mots sont comme des murs derrière lesquels s’étendent de frais jardins on entend le ruissellement des fontaines un oiseau s’est perché sur un branche et il chante à l’heure où le jour commence à pâlir parfois des cris d’enfants montent joyeusement dans l’air ou la voix d’une jeune fille toujours irrésistible s’ils pouvaient s’ouvrir

………………………………..et laisser se sauver l’image captive!

Il faudrait donner la parole aux choses et aux animaux prendre en échange leur silence s’en remplir à la façon d’une coupe ou d’une maison qu’inonde la lumière notre monde serait alors le plus beau

………………………………………………le plus difficile de tous

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Et parfois tu entends un tintement assourdi
comme si une main agitait une clochette au bout du jardin

……………………………………………………………………….pour P.S. et l’inconnue (C.)

Tu m’as troué de ta lumière dont quelques flocons sont tombés ce soir à l’intérieur d’une cage d’os pour éclairer son oiseau rose, peut-être,

et le consoler de devoir patienter encore avant de s’envoler…

L’été tu perces des fenêtres à ta maison et au commencement de l’hiver tu les bouches, gardien des troupeaux lumineux. La neige n’est pas plus fraîche que la peau de ta bien-aimée ses lèvres fermées gardent le secret

……………………………………………..sous ses yeux profonds –

Elle crépite de joie, l’entends-tu? maçon, menuisier, vigneron – – artisan de ta vie bâtisseur, destructeur

si seulement il te restait un manteau!

Ce soir l’arbre a pris une forme noire c’est son secret sous le ciel. De ta fenêtre tu vois la mer qui recueille le jour. Tu es fidèle à un grand amour et l’amour – tu le sais – descend vers la terre comme la vapeur mouvant du matin

ombre sur l’ombre

Le feu ne brûla pas longtemps en tout cas le saule était toujours là et la pierre en dessous. Voilà qui la trouva et remplit ses poches de pierres pour construire les murs: un homme en noir dans la neige. On vous racontera dix histoires là où vous n’en demandiez qu’une on vous parlera des âmes aussi familièrement que de bétail. Si vous écoutez bien vous entendrez encore la vieille chanson, les psaumes doux d’autrefois qui étaient des berceuses. Donne-moi une cigarette, frère, et un verre d’eau-de-vie pour que je brûle aussi que je noie de fumée et d’alcool les vieux chagrins. Nous danserons dans la neige, nous respirerons avec la neige

…………………………………………………tout miraculeux  ◊◊◊