Jusqu’à en être vexé / Un entretien de David Christoffel avec Alexis Bouzanne

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David Christoffel : Quand est-ce que tu as pris la décision d’y aller ?

Alexis Bouzanne : On nous avait annoncé en fait qu’il y avait les vexations dans un cours d’histoire de l’art contemporain. J’en avais déjà entendu parler il y a deux ans à peu près. J’avais cherché à acheter le disque. Je n’avais pas réussi, ce n’était plus édité ou je ne sais pas. Et donc, quand j’ai su qu’il y avait le truc, je me suis dit que j’allais y aller, dès le matin et tout ça. Ce que je n’ai pas fait, finalement.

D.C. : Est-ce que tu t’y es préparé d’une manière ou d’une autre ?

A.B. : Non. J’ai essayé de me coucher un peu plus tôt que d’habitude.

D.C. : C’est pas rien. On n’en fait pas autant pour une symphonie de Mahler !

A.B. : Ba… un tout petit peu, oui.

D.C. : Mais, tu avais prévu de te lever vraiment tôt ?

A.B. : Au début, je voulais vraiment me lever tôt, oui. Je voulais me lever pour être là vers 8 h., puisque ça commençait à 8 h., c’est ça ?

D.C. : Et est-ce qu’à un moment donné, tu as eu l’ambition de rester jusqu’au bout ?

A.B. : Au début, je pensais le faire jusqu’au bout, oui. Mais finalement, dès le matin, au moment de me lever, je me suis dit c’est dimanche, on va s’octroyer un peu de répit… Déjà, j’avais manqué une partie de la matinée. Après, je pensais rester plus longtemps et finalement, j’ai arrêté avant.

D.C. : Mais en quels termes s’est posée la question de rester ?

A.B. : Comme j’y suis allé pour rester, j’étais là pour ça, donc…

D.C. : Et quand il fallait arrêter à 18 h., tu t’es dit quoi ?

A.B. : Je n’en pouvais plus. Disons qu’au début, je trouvais ça assez agréable. C’était par a priori, j’avais écouté déjà le morceau, etc. Je suis resté un peu. J’aimais beaucoup le morceau. Et je trouvais que ça reflétait vraiment ce que pouvait être une vexation. Je crois que c’est assez beau. Et au bout d’un moment, ça a été tout le contraire, ça a été beaucoup plus dur à supporter, c’était plus une expérience qui produit la nausée ou un truc comme ça. C’était vraiment dur. Et d’ailleurs, au moment de me lever, vers 18 h., ça faisait 4 heures que j’étais assis, j’ai eu une sorte de vertige. Après, j’ai eu un mal de crâne pas possible. Quand je parle de nausée, c’était surtout le fait de voir les personnes. Comme c’est un processus d’installation un peu ouvert, il y avait des gens qui passaient etc. On écoute la musique et au bout d’un moment, on ne l’entend plus aussi complètement. Alors on regarde les personnes qui sont autour. Moi en tout cas, c’est ce qui s’est passé ce jour-là, je regardais les personnes, à la fois le ciel, l’avancée du soleil par les vitraux et puis l’architecture, comprendre un peu comment c’est foutu et en fait voilà c’était intelligent et bien fait etc. Enfin, comprendre un peu comment c’était fait. Après, on essayait de remarquer un peu les passages entre les musiciens, les interprètes. Voir un peu les différences, comment ils interprètent chacun différemment. Alors on fait un peu plus attention à un moment donné, quand on a vu trois ou quatre passer.

D.C. : C’était tout un truc, les changements de pianiste. On attend beaucoup du premier changement. Mais déjà beaucoup moins du deuxième et alors presque pas du tout du troisième…

A.B. : Je ne sais pas, parce que j’aimais bien quand même essayer de retrouver les différences de jeux, ou de genre, je ne sais pas, une espèce de personnalité en fait, qui, comme du coup, le morceau est répétitif, on a un anonymat quelque part avec le morceau et on se dit, mais voilà, c’est d’autant plus facile de repérer les personnalités, puisque le morceau est constitué de rengaines, de berceuses ou je ne sais pas quoi…

D.C. : Et quand tu dis que le morceau reflète bien une vexation, qu’est ce que tu veux dire par là ? Parce que, tu trouves que, formellement, il porte ça ?

A.B. : Je ne pourrais pas dire parce que, je n’ai aucune connaissance musicale, mais je ne dirais pas formellement. Je dirais émotionnellement, moi je ressens ça comme ça. J’ai été vraiment vexé, c’est un truc qui m’a paru probable.

D.C. : Et tu as pensé que tu allais être vexé au bout de la journée ?

A.B. : Non, je ne pensais pas. Par contre, je pensais que ça allait me mettre dans un état maussade, morose et tout.

D.C. : Mais, tu es ressorti pas bien alors ?

A.B. : Je suis ressorti pas bien du tout. Le truc c’est qu’au début, on regarde autour, on entend les bruits, on écoute les bruits aussi, puisque c’est ça le truc. On écoute tous les bruits là et là, il y a beaucoup de gens qui passent. En plus, il y avait une file d’attente pour un concert. Des gens qui parlent… Et puis même des gens qui écoutent, qui sont là pour le truc et qui écoutent aussi, qui écoutent le concert mais qui parlent aussi en même temps, donc c’était très… Un peu révérencieux quelque part. Ça aurait dû être un peu plus solennel. Et ça ne l’était pas vraiment. En même temps, ça allait bien avec le côté… avec l’héritage, la reprise, le fait que c’est… je ne sais pas. Pour ce qu’on m’a dit, c’est Cage qui avait ressorti, donc l’idée du bruit etc. Et pour répondre à la question, le truc c’est qu’au début, c’est un peu fascinant donc on prend, enfin pour moi, ça a été ça en tout cas. Et après, un dégoût. Autant il y avait la morosité et les choses comme ça, un dégout de voir ces personnes passer de l’alentour, du fait de voir les gens, quelque chose de très agressif en fait.

*

* *

David Christoffel : Mais, quand tu es rentré, tu as dû produire un discours ?

Alexis Bouzanne : C’était bien.

D.C. : Et tu peux raconter, enfin, raconter ton vécu de ça ?

A.B. : Ah ben, je suis rentré. Moi, j’étais seul. Et je n’ai raconté à personne.

D.C. : Ah bon !

A.B. : Voilà. Moi, je me le suis raconté à moi-même, j’ai écris un peu après pour voir, pour me fixer. Et puis l’ordinateur s’est planté, et ça s’est effacé. Donc, je n’ai aucune trace.

D.C. : Tu as les souvenirs de ce que tu as dit ?!

A.B. : Ben, c’est ce que je dis là, grosso modo, c’est euh…

D.C. : Et le lendemain, tu l’as raconté ?

A.B. : Non.

D.C. : Tu n’as vu personne ?

A.B. : Si, j’ai vu des gens, mais je ne raconte pas ça obligatoirement. Et comme je n’ai croisé personne que je connaissais là-bas, je me suis dit… C’est une expérience. C’est personnel.

D.C. : Ah, c’est vraiment personnel, pour toi ?

A.B. : C’est personnel, oui. Je ne sais pas, mais… Disons qu’on reste un moment là-bas, on essaye évidemment de s’approprier la chose. Donc, ce qui se passe, ce qui se joue, c’est obligatoirement personnel. Je ne peux pas tout expliquer, c’est personnel.

D.C. : Mais dans cette histoire, est-ce que tu as l’impression de devoir à Satie ou aux organisateurs ?

A.B. : Évidemment, c’était dans un dispositif. Au début, on a un grand couloir avec les guichets. Après, il y a un petit espace un peu lunch où ils vendent des sandwiches tout ça, sous une lumière plus tamisée un peu. Et derrière, on a un petit espace qui est suivi dans un long axe rond, une espèce d’arc de cercle qui a une espèce de bout et qui est près aussi du couloir de l’entrée, le couloir par lequel on était arrivé. Donc ils l’avaient mis là, un peu en retrait de l’entrée principale en fait, un peu à l’écart. Ce n’est pas très loin de la librairie. Ce n’est pas très loin de l’entrée pour la salle des concerts. Ce n’est pas très loin des toilettes aussi. Ce n’est pas très loin du petit coté lunch etc. Etc.

Mais il y a quand même un sas… Une espèce de démarcation de limites pour y aller. Donc, on n’est pas complètement non plus dans l’entrée, dans le passage, etc. Je trouvais ça pas mal foutu. Je me suis dit ça a un coté déceptif etc., mais je trouvais ça pas mal, l’espace dans lequel c’était. Le fait que ce soit assez bruyant, qu’il y ait pas mal de lumières aussi, j’aimais bien ça. Après, c’est toute l’histoire du sérieux, c’est le public, est-ce qu’il est sérieux ? Est-ce que… Même les mecs qui jouent, est-ce qu’ils sont sérieux ou pas ? Est-ce qu’ils prennent vraiment au sérieux la proposition ? Est-ce qu’il faut la prendre au sérieux ? Bon, c’est ça le truc. Et puis je ne serais pas à même de le savoir et en plus de le dire. Et le fait par exemple de mettre ce film de Warhol à coté, ça peut avoir des rapprochements formels mais c’est un peu facile aussi… Mais par contre, je ne pense pas que ça ait des rapprochements idéologiques ou… je ne sais pas comment dire ou…

D.C. : Mais Cage connaissait Warhol.

A.B. : Cage connaissait Warhol, d’accord. Mais est-ce qu’il aimait Warhol ? Je ne sais pas. Est-ce que c’était…

D.C. : D’un autre coté, on a parlé de films de tapisserie et Satie a composé un Prélude en Tapisserie, il y a cette espèce de cohérence avec la musique d’ameublement… Et puis, Sleep c’est la même année que les vexations de Cage. Mais c’est vrai que ça déborde par rapport à l’expérience des 840 fois. Sinon, est-ce que tu as trouvé qu’il y avait des pianistes mieux que d’autres ?

A.B. : Oui, des pianistes mieux. Mais c’est personnel aussi. Je ne sais si c’est… Le temps qui était pris pour les choses, j’ai l’impression que c’était, à chaque fois, le même temps mais en même temps le…je ne sais pas comment dire, une espèce de… je n’ai pas vraiment compris en fait comment ils géraient le temps, si c’était un temps donné ou… Parce qu’ils étaient obligés de cliquer à chaque fois et ils étaient plutôt ponctuels pour les relais. Alors, est-ce qu’il y avait vraiment du temps ? Est-ce qu’ils pouvaient vraiment prendre le temps, sachant qu’il fallait être lent ? Moi j’aimais bien quand c’était doux, lent et quand il y avait un petit côté impersonnel. Je n’aimais pas trop les attaques un peu trop marquées.

D.C. : Il y en a un qui les attaquait ?

A.B. : Oui, un qui les attaquait quand même. Après ça dépend, moi j’ai trouvé que c’est ça qui était bien, mais c’est aussi physique, la personne etc. La façon dont il se tient, ça joue beaucoup.

D.C. : Beaucoup ?

A.B. : Oui, ça joue beaucoup, je trouve. Parce qu’on regarde les personnes, on regarde… Oui, ça joue beaucoup.

D.C. : Mais il y avait aussi pas mal de public et tu regardais le public aussi ?!

A.B. : Oui, beaucoup plus d’ailleurs, au bout d’un moment, on écoute la musique… Enfin personnellement, je l’écoutais. Mais au bout d’un moment, elle est revenue. Peut-être pour ça que j’ai eu un mal de tète. C’est revenu. C’était en sousjacence. Elle était toujours là, des fois j’en prenais conscience et des fois non.

D.C. : Et qu’est ce que ça changeait à l’écoute par rapport à un concert traditionnel, le fait que ça se répète ?

A.B. : Peut être ça déjà. Peut-être…

D.C. : La facilité à décrocher, se sentir autorisé de décrocher tout le temps !?

A.B. : Oui, la possibilité de regarder ailleurs, d’écouter autre chose, de faire attention à autre chose. Je ne sais pas, c’est comme… Je vais être un peu violent mais disons que c’est comme une musique de supermarché, une espèce de rengaine comme ça.

D.C. : Est-ce que tu aurais été capable de chanter la mélodie en sortant ?

A.B. : Non.

D.C. : Tu vois, ça m’a surpris aussi. Parce qu’il fallait y arriver à faire une musique très courte qui laisse pas de trace dans la mémoire, on ne peut pas le dire de n’importe quelle musique de Satie. Si on avait entendu une Gnossienne pendant sept heures, on serait ressorti et on l’aurait eu encore en tête. Alors que là, non.

A.B. : Oui, sûrement. Enfin je ne sais pas, je n’ai écouté le CD… Peut être qu’on ne l’a plus en tête après sept heures, mais il paraît que c’est un morceau très difficile à retenir. Je ne sais, c’est ce que disent les musiciens.

D.C. : Est-ce que tu as attendu des fausses notes ?

A.B. : Non, je n’ai pas attendu. Est-ce que j’ai attendu ou est-ce que j’ai entendu ?

D.C. : Les deux.

A.B. : Est-ce que j’en ai entendu ? Oui, j’en ai entendu. Est-ce que j’ai attendu ? Non, pas spécifiquement non.

*

* *

David Christoffel : Alors, au long de la journée, j’ai noté les avantages que ça avait. Je vais t’en soumettre quelques-uns. D’abord, on n’a pas à attendre que ça se termine.

Alexis Bouzanne : Oui.

D.C. : Et c’est quelque chose que tu as trouvé jubilatoire ?

A.B. : C’est vrai que l’on peut prendre en compte. Mais si on a envie de faire l’expérience jusqu’au bout, est-ce qu’on n’attend pas que ça se termine au bout d’un moment quand même ?

D.C. : Je me demande si on n’est pas pris au piège de vouloir faire une expérience avec ça. Moi aussi, j’étais parti pour faire une expérience et il y a un moment précis où j’en ai conclu que, comme on n’arrivait pas à se presser, de se trouver changé, d’être dans cette position, du coup on n’avait pas non plus à se changer. Et je trouvais que c’était beaucoup plus soft que prévu ou que j’aurais voulu. En quelque sorte, je crois que j’attendais que ça change ma vie et puis alors pas du tout. Et toi, ça devait changer ta vie aussi ?

A.B. : Non, ça ne devait pas changer ma vie.

D.C. : Parce que ce n’est pas possible, tu veux dire ?

A.B. : Non, mais disons, je ne sais pas… Des différences comme ça, c’est… J’ai l’impression d’avoir fait un peu différemment. Mais sur d’autres choses aussi. Et ça n’a jamais changé ma vie. Ça la change au fur et à mesure, oui, sûrement. Sur d’autres œuvres, je fais des distances plus longues, et puis…

D.C. : Mais ça la change en quoi ?

A.B. : Ça la change en quoi ? Quand on prend le temps, quand on prend conscience, en plus c’est ça qui est assez difficile quand on s’approprie les choses, du coup on peut les ré-exploiter.

D.C. : Est-ce à dire que, ce faisant, tu t’en es senti plus riche ?

A.B. : Mais justement, là, c’est bâtard en fait, c’est spécial. Et donc je ne sais pas…

D.C. : Mais est-ce que tu as été déçu de ne pas avoir tenu le coup ?

A.B. : Non, puisque je n’en pouvais plus…

D.C. : Tu ne t’es pas du tout senti prisonnier de la durée totale que ça avait finalement ? Dès le départ, tu t’es autorisé à rater le début.

A.B. : Oui.

*

* *

David Christoffel : J’ai noté : c’est un concert, mais ça pourrait être une garderie.

Alexis Bouzanne : Oui, c’est vrai qu’il y avait beaucoup d’enfants qui jouaient autour etc. Il y avait des petits enfants, des petites filles et des petits garçons qui jouaient. Les parents étaient venus. Quadragénaires à peu près, oui. Un peu de bobos etc., je ne sais pas, ou très intéressés par cette musique, mais qui étaient là en couple avec leurs enfants. C’était pas très grave, moi je trouvais que c’était plutôt rigolo. Puisque ça pouvait aussi avoir un aspect décoratif comme on dit. Par rapport au côté sérieux que ça peut avoir, au coté très lourd etc. Et puis la morbidité, ce n’est pas un morceau facile, ce n’est pas spécialement un morceau agréable.

D.C. : Tu n’as pas trouvé agréable ?

A.B. : Au début, si. Mais à la fin, non, pas du tout.

D.C. : Les gens qui ont beaucoup travaillé n’ont pas plus mérité ça.

A.B. : Les gens qui ont beaucoup travaillé, c’est bien.

D.C. : Ce n’est pas eux qui vont par exemple, qui connaissent beaucoup plus l’initiative, qui connaissent beaucoup plus le style de la musique, qui ont une espèce d’avance documentaire. Ça ne leur donne aucun mérite ? Alors que d’habitude, ils en ont un peu quand même… Dans un concert en général, ceux qui ont une avance documentaire, ils ont plus de mérite.

A.B. : Ils ont plus de mérite ? Non, je ne pense pas.

D.C. : Je pense qu’il ne se passait pas grand-chose, mais que ce qu’on ressentait, c’est aussi ça qui se passait et ce qui est tellement pas grand-chose qu’on est toujours à se demander sinon quand même ce qui se passe.

A.B. : Ce qui se passe, c’est peut-être pas au niveau de la musique. Ce qui se passe, c’est peut-être pas à notre niveau. Ce qui se passe, c’est aussi qu’on s’arrête peut-être pendant six heures dans n’importe quel endroit. Voilà. C’est ça aussi, ce qui se passe, le fait qu’on prend le temps de s’arrêter à un endroit. Ça, il y a beaucoup de choses qui se passent. Et ça devient très intéressant l’espèce de fourmillement comme ça de choses qui se passent. Au contraire, il y a peut-être pas grand-chose qui se passe au niveau de la musique, etc. Peut-être qu’elle s’efface au milieu de cette histoire. Le fait de rester, en plus. J’ai repris la même place et le fait de rester comme ça pendant un temps, évidemment qu’il y a beaucoup de choses pour lesquelles on est fasciné, mais je n’ai pas d’événement du rien de ce qu’il y a autour de nous.

D.C. : Et quels sont les événements que tu as pu apercevoir…

A.B. : Et bien, justement, rien !

D.C. : C’est ça… Et c’est ça qui est troublant quand même…

A.B. : (Rires)

D.C. : Disons que ce n’est pas… Mais ça donne l’impression qu’on relève les choses pour constater que le voile est levé.

A.C. : Oui c’est le propre de la flânerie ou je ne sais pas…

*

* *

David Christoffel : Les hommes qui ne font pas attention n’en tombent pas moins que les autres.

Alexis Bouzanne : Je ne sais pas… J’avais l’impression qu’il y avait des gens qui passaient vraiment à coté. Je suis sûr que je ne suis pas passé à coté, aussi. Que je puisse expérimenter ou pas, je ne pense pas que ce se serait mieux passé que ça.

D.C. : C’est intéressant, il n’y a donc aucune espèce de pénétration, de privilège de compréhension de… C’est ce que je disais aux collégiens. Je disais que c’est un endroit où ceux qui sont éveillés n’ont pas plus d’avance par rapport à ceux qui dorment.

A.B. : Hum…

D.C. : Ce qui, au collège, n’est pas vrai. Et ce qui, dans la vie sociale, n’est pas vrai. Et chez toi, c’est vrai. Les éveillés ne prennent pas d’avance par rapport aux endormis. Moi, j’ai trouvé ça spécial, réussi même.

A.B. : Oui, il y avait quelques personnes qui dormaient…

D.C. : Et toi aussi, tu as dormi !?

A.B. : Oui j’ai dormi, mais c’était… J’ai l’impression qu’il y avait peu de personnes qui dormaient.

D.C. : Mais il y avait quelqu’un qui avait un oreiller, le matin. Le fait de dormir, ça t’a… Tu t’es dis : mince ! Je suis passé à côté de l’expérience ou c’est une façon d’avouer…

A.B. : Non, c’était plutôt agréable. Oui, c’est plutôt agréable de dormir. C’est plutôt bien, et puis j’étais fatigué, donc…

D.C. : À cause de la musique ?

A.B. : Oh ! je ne sais pas si c’était à cause de la musique ou le fait de ne rien faire aussi.

D.C. : Alors, j’ai aussi noté les affairés et les agités ne réagissent pas de la même façon. Je trouve que dans un dispositif comme celui-là, les gens qui sont affairés et les gens qui sont agités n’ont pas la même attitude, et n’ont pas la même allure.

A.B. : Ah, oui, c’est vrai, oui.

D.C. : C’est une distinction qui m’a frappé. Parce que je n’avais jamais pensé distinguer les gens affairés des gens agités avant cette expérience.

A.B. : Oui, c’est vrai qu’on voyait bien la différence entre… C’est le temps aussi. C’est ça. Quelqu’un qui est là depuis deux heures et quelqu’un qui est là depuis dix minutes, ils ne sont pas pareils. Ils n’expriment pas la même chose… On voit ça, c’est assez fascinant, les gens s’assoient cinq ou dix minutes, ils ne sont pas attentifs mais complètement pas quoi. Et regarder les autres, c’est même pas voulu. Je m’assois, je prends mes repères etc. Et ça diffère en plus en fonction des personnes, c’est ça qui est drôle aussi. Et puis, il y a des gens qui n’arrivent pas tout bonnement à se concentrer, et il y a aussi ceux qui n’ont pas envie de se concentrer, de toutes les façons.

D.C. : Et est-ce que tu as cru que certains sont devenus tranquilles ?

A.B. : Je ne sais pas. Peut être que…, le fait de se poser, etc. Se maintenir tranquille, grâce à la musique, je dirais plutôt pas. Mais en même temps, le temps, etc. Il y a des gens qui dormaient, comme tu dis. On peut dire qu’on est complètement tranquille ou apaisé quand on dort, hein ?

D.C. : Ah, oui ! Et ceux qui restent ne sont pas forcément les plus intégrés, du coup ?

A.B. : Oui, euh… Sûrement, peut-être, c’est comme…, c’est peut-être les personnes aussi.

D.C. : Toi, tu t’es interrogé sur ceux qui restaient ?

A.B. : Oui, j’ai essayé de voir ceux qui étaient concentrés, etc. Moi, j’ai essayé de faire le concentré exceptionnellement je ne sais pas trop.

D.C. : Ah ! Tu faisais le concentré ?

A.B. : Un peu, oui. Je faisais un peu le concentré.

D.C. : T’as fais ça longtemps ?

A.B. : Je faisais, pfff… Je prends un air sérieux, un peu pénétrant, j’écoute etc. Disons que, oui…

D.C. : Tu t’es un peu… T’as fais… T’as un peu joué le jeu de la pose…

A.B. : Oui, un peu. Au début, j’ai un peu jouer le jeu du mec concentré…

D.C. : Combien de temps ?

A.B. : Je ne sais pas combien de temps. Mais c’est aussi parce que c’était le foutoir de tous les cotés. C’était pour ça.

D.C. : Ah, d’accord… C’était une réplique ?

A.B. : C’est un peu une réplique. Une réplique de pose, quoi.

D.C. : (Rires) Mais, euh… Et tu l’as cru à un moment donné ?

A.B. : Mais au début je pensais que j’allais être vraiment concentré, je me suis dit : putain je…, ça va être un exercice de concentration. Souvent, j’essaie de me mettre des petits défis comme ça. Là, c’était l’exercice de concentration. Combien de temps je vais arriver à tenir ? Après, l’exercice de concentration était différé. C’était sur l’interprète, essayer de vraiment faire attention au morceau. Et puis à chaque fois, mon intention partait.

D.C. : Alors ?

A.B. : Je n’arrivais pas, je faisais des exercices de concentration, je n’arrivais pas à les maintenir.

D.C. : Mais ils étaient délibérés à chaque fois ?

A.B. : Les exercices, oui, c’est forcément délibéré. Après, de les maintenir, non. Le fait de ne pas arriver à les maintenir, ça pouvait pas être délibéré…

D.C. : D’accord, mais le fait d’en changer, ça procédait déjà d’un premier échec, non ?

A.B. : Ah ben bien sûr, oui.

D.C. : Et le deuxième échec, ça a été ?

A.B. : De pas les maintenir en plus, de n’en maintenir aucun.

D.C. : Et à partir de quand est-ce que t’as réussi pour le coup à renoncer à te concentrer ?

A.B. : Ça, c’est venu très rapidement. Le truc, c’était plutôt de réussir à me re-concentrer, c’était plutôt ça, la difficulté.

D.C. : Parce que tu n’avais plus sur quoi ? Tu n’avais plus d’objet de concentration ?

A.B. : Je me disais qu’il y en avait un. Et puis il y avait les interprètes, après la musique etc. Je m’étais dis quand même, j’étais venu un peu pour écouter des vexations, donc j’essayais quand même de m’intéresser un peu plus aux vexations, mais l’interprétation des prestations, je me dis bon ben, je pourrais revenir, mais peut-être que je ne pourrais pas réécouter les vexations pendant ce temps-là.

D.C. : Mais est-ce qu’on peut dire que tu es parti au moment où tu n’avais plus de ressources d’objet de concentration, au moment où tu n’avais plus de quoi te concentrer ?

A.B. : C’est ça oui, mais c’est tout le principe de nausée aussi, c’est que les choses sont complètement… Comment dirais-je ? Ce n’était pas… C’est très désagréable, c’est-à-dire que les choses ont plus d’objet, c’est ça. J’ai plus d’objet de concentration et je sens plus vraiment de sens aussi autour de moi. Donc c’est très, très désagréable.

D.C. : J’ai noté : avoir l’air d’attendre, tout en vivant une grande chose. Mais finalement, c’est tout le contraire ?! Tu avais l’air de vivre de grandes choses mais en fait, tu attendais ?

A.B. : (Rires) Euh… oui, oui.

D.C. : J’ai noté aussi qu’il fallait avoir une belle écharpe pour bien écouter.

A.B. : Ah ! oui. Ça, c’est vrai, c’est toujours important d’avoir une belle écharpe. Mais pour avoir chaud aussi. Il fait froid en ce moment, donc…

D.C. : Le fait qu’il fait plutôt froid…

A.B. : Enfin soyeux surtout, surtout soyeux.

D.C. : Mais il avait un défi, il y a eu des chocs énormes quand même.

A.B. : Je n’ai pas fait vraiment attention, je suis désolé.

D.C. : Ah bon ?

A.B. : Moi j’avais deux écharpes, je suis assez… J’aime bien avoir…

D.C. : Voilà : on n’est pas tellement à se demander si on palpite, qu’on n’est même pas à ça près.

A.B. : Euh ! qu’on n’est même pas… c’est-à-dire ?

D.C. : Ben, on se demande, on se demande d’autant pas si c’est palpitant que, de toute façon, on s’en fout assez vite ?

A.B. : Oui, pourquoi pas… Moi, je ne pourrais pas dire que je m’en foutais complètement quand même. Ce n’est pas parce qu’il y a une perte de l’attention qu’on s’en fout. Même si j’étais pas toujours attentif, je ne m’en foutais pas.

D.C. : C’est-à-dire que ça t’agaçait plutôt de perdre l’attention ?

A.B. : Ah ! oui, plutôt oui.

D.C. : Ah ! oui donc tu, vraiment oui, donc pour toi, c’est plutôt un défi ?

A.B. : Oui, il y avait ce coté défi, oui.

D.C. : D’accord.

A.B. : Ce coté défi à soi-même, défi de concentration un peu.

D.C. : Dans les questions que j’avais notées aussi, le fait que rester était :

1. une éventualité, 2. un défi

3. une envie.

Toi, tu dirais plutôt un défi ?

A.B. : C’était plus la concentration qui était un défi. Rester, c’était plutôt…

D.C. : Une envie ?! Mais est-ce qu’on peut dire que tu avais toujours envie de rester, tout le long ?

A.B. : Non. Je suis un peu, je me suis un peu… Je suis un peu resté pour rester.

D.C. : Ah ! Rester pour rester ?

A.B. : Ouais…

D.C. : Et il y a eu des perspectives d’envie quand même ?

A.B. : À la fin, plus du tout. Et c’est peut-être justement parce que je suis trop resté pour rester.

*

* *

David Christoffel : J’ai noté : la vanité triomphante de la satisfaction. C’était si long que ç’aurait été totalement vain d’être satisfait. Du coup, on ne cherchait même pas à l’être.

Alexis Bouzanne : Oui, mais je ne sais pas si c’est propre ou si c’est peut-être une expérience… Non, c’est vrai que c’est pas commun. C’est clair.

D.C. : La lenteur ne demande plus rien à la patience. Je ne sais pas si c’était le sentiment…

A.B. :

D.C. : Et alors… Il y a aussi le fait, quand je suis parti manger…

A.B. : Oui.

D.C. : En revenant, c’était encore le même pianiste…

A.B. : Oui.

D.C. : Et je trouvais que ça avait vachement changé. Autant dans le…

A.B. : Oui.

D.C. : Déjà la nuance. Ça me paraissait beaucoup moins fort. Ça me paraissait beaucoup plus perlé.

A.B. : Oui.

D.C. : Plus doux et… Ça m’a beaucoup étonné parce que… Je me suis dit, c’est le même pianiste, depuis le début de la matinée, vraiment du début à la fin, les pianistes gardent à peu près le même style… Donc, je me suis dit que le style, finalement, c’est ce qui s’est passé quand je n’étais pas là. C’est-à-dire le changement de perception que j’ai dû avoir du fait de m’être absenté. Et non pas l’intention que met le pianiste. C’est la première fois que je me formule le style de cette façon-là…

A.B. : Ah ! oui.

D.C. : Vraiment, dans mon intentionnalité… Puisqu’on a affaire au même objet, au même pianiste…

A.B. : Ah ! oui.

D.C. : Et, euh, et toi, quand tu es revenu ce n’était pas le même que quand tu es parti ?

A.B. : Si, c’était le même.

D.C. : Et ça ne t’avait pas paru changé ?

A.B. : Si, un peu. Je ne sais plus trop, mais… C’était peut-être moins fort aussi, oui.

D.C. : Mais il y a eu une différence de positions, c’est-à-dire j’étais…

A.B. : Oui. Toi, tu étais en face au début, non ?

D.C. : J’étais en face au début et j’étais sur le côté après.

A.B. : Parce qu’on entendait moins, aussi…

D.C. : De ton coté ?

A.B. : Ben, j’imagine.

D.C. : Oui, c’est parce qu’il n’y avait plus de place que je ne suis pas retourné de l’autre côté.

*

* *

Alexis Bouzanne : Il y avait quoi en fait sur l’écran ? Il y avait un écran ?

David Christoffel : Il y avait le compteur.

A.B. : Il y avait le compteur ? Oui. Je ne suis pas allé voir.

D.C. : Et ça, je trouvais ça… Je n’étais pas sûr du statut du compteur… En fait, quand ils appuyaient sur la souris, ils attestaient qu’ils avaient lu le motif…

A.B. : Hm !

D.C. : Et sur l’écran, il y avait pianiste : n° 1, n° 2, n° 3…

A.B. : Ah ! ils étaient des numéros !?

D.C. : C’était numéroté, oui. Il y avait aussi le nombre d’expositions du motif par le pianiste, donc : 1/40, 2/40, 3/40…

A.B. : D’accord.

D.C. : Ils devaient jouer chacun 40 fois. Et ensuite, il y avait…

A.B. : Ah ! oui, ils jouaient chacun 40…, ah d’accord.

D.C. : Et puis, le total sur 840, depuis 8 heures du matin.

A.B. : Ah ! Oui. Ce qui devait…

D.C. : Enfin, il y avait la durée depuis 8 heures du matin.

A.B. : D’accord, oui, c’était vraiment performant ce coup-là.

D.C. : Mais du coup, oui, ça traduisait en performance oui. Mais c’était presque dommage qu’ils…

A.B. : Hum ! Hum !

D.C. : Mais bon, je me dis qu’on avait le droit de pas le consulter…

A.B. : Oui, on pouvait arriver de l’autre côté… (Rires) Parce que, moi, du coup, je n’ai pas…

D.C. : Tu n’as pas cherché à percer ?

A.B. : Non. Mais je pensais que c’était ça. Mais je préférais ne pas le savoir. Ou pas le voir. Pour pas me dire : mais putain les mecs, ils sont à… Je voyais qu’à chaque fois, ils notaient le truc, mais je ne voulais pas avoir des chiffres etc. Je me disais ça va me gâcher mon truc …

*

* *

David Christoffel : Et j’ai noté tout ce dont on se souvient, n’est pas pour être le plus important.

Alexis Bouzanne : Sûrement, oui.

D.C. : Je trouve qu’on a… Enfin moi, j’avais un rapport… Pour autant que j’ai tendance à essayer de fixer mes souvenirs… Là, vraiment, j’étais loin de ça.

A.B. : Mmm…

D.C. : Le fait que les impressions et les émotions soient fluctuantes, n’avait rien de souffreteux ou de désagréable. Ce qui est quand même très rare.

A.B. : Hum ! Moi, ça a été plutôt l’inverse, hein !

D.C. : C’est-à-dire ?

A.B. : C’est ce que je te disais, ça a été très désagréable, finalement.

D.C. : C’est-à-dire de rien avoir à fixer ?

A.B. : Ça, c’est plutôt agréable, normalement. Mais là, ça a été très désagréable. Je pense que c’est la musique qui… Enfin, ça a été très désagréable.

D.C. : Mais tu es parti parce que c’était désagréable ?

A.B. : Oui, je suis parti parce que c’était désagréable. Parce que je n’en pouvais plus. C’est littéralement… je n’en pouvais vraiment plus. C’était physiquement, mais c’était aussi l’épuisement intellectuel. Je ne sais pas si on peut appeler ça de l’épuisement intellectuel, mais je n’en pouvais vraiment plus.

D.C. : Donc, tu n’as pas dû être bien du tout après, dans la soirée ?

A.B. : Si, ça s’est estompé. J’ai eu de la chance. J’ai eu le vertige d’abord. Et après, le mal de tête pendant le métro, avec style la cervelle qui est pesante et puis qui fait « po po ». Et enfin le truc que je n’avais jamais eu, enfin ça faisait longtemps que j’avais eu ça, le truc de migraine et puis c’est au bout d’une heure, en revenant, c’était bon. […] Alors, j’en veux à ce morceau…. Je ne pense pas, c’est le morceau qui… Ce n’est pas tendre, ce n’est pas un morceau tendre. Je ne dirais pas que c’est un morceau tendre. C’est un morceau agréable, mais pas… Je ne dirais pas que c’est un morceau tendre.

D.C. : Et tu n’as pas senti une espèce d’oppression, de l’anticipation. Le fait qu’on ne puisse pas anticiper ?

A.B. : Qu’on puisse anticiper, tu veux dire ?

D.C. : Ben enfin oui, qu’on puisse tellement anticipé, qu’on ne peut pas anticiper parce que…

A.B. : Oui.

D.C. : Il se passera la même chose. Enfin, ça n’évoluera tellement pas…

A.B. : Qu’on n’ait pas de pouvoir de…

D.C. : Et que même si on anticipe, c’est en vain…

A.B. : Ah ! oui d’accord, qu’on ne puisse pas agir, c’est ça ?

D.C. : Oui, j’ai mis l’anticipation et la probabilité peuvent toujours débattre ailleurs.

A.B. : Oui, c’est sûrement… En même temps, c’est peut-être ça aussi qui fait qu’on essaie de se concentrer, qu’on essaie de se re-concentrer, peut-être qu’on essaie d’anticiper, je ne sais pas… J’ai l’impression que c’est un peu ça, de se dire qu’il y a ça qui est en train de se passer, donc que j’essaie d’anticiper, de vivre ce que je suis en train de vivre, d’écouter ce que je suis en train d’écouter, mais du coup, de pouvoir anticiper, je ne sais pas trop, peut-être…

D.C. : Est-ce qu’on n’est pas dans une espèce de rentabilisme émotionnel malgré tout, c’est-à-dire comme devant un concert traditionnel ?

A.B. : J’ai pas trouvé, j’ai vraiment pas trouvé qu’il y avait un rentabilisme émotionnel, j’ai trouvé que… Au contraire, j’avais l’impression que dans un concert classique… Quelque part, j’ai eu plus de… Je n’ai pas eu une nausée aussi forte, mais par contre j’ai eu plus d’émotions, on va dire.

D.C. : Donc tu savais pourquoi tu étais venu ?

A.B. : Oui, je sais pourquoi je suis venu, mais après, c’est différent quand on y est.

D.C. : Et puis ceux qui doutent de ce qui peut se passer, ont un peu l’air fin, un peu trop l’air fin… Je veux dire que ceux qui font… comme s’il y avait un mystère, sont vraiment dans une pose un peu fade.

A.B. : Oui, ça c’était le truc, c’était obligé en même temps. D’ailleurs, c’est rigolo, il y avait des jeunes… Enfin, des jeunes très… Des 18-20 ans qui étaient très, mode etc. Donc il y avait aussi le coté, comment dire ?

D.C. : « On se l’fait », quoi ?

A.B. : Oui « on se l’fait », et puis c’est style « t’es allé où hier ?… – Putain, je suis allé, putain j’ai écouté les vexations… – Putain vas-y c’est quoi les vexations… – Tu vois, c’est toujours le même morceau, en boucle toute la journée, c’était ça. » Enfin voilà, c’est un petit acte de bravoure. C’est un truc comme ça.

D.C. : Cela dit, ils n’ont pas tenu ?

A.B. : Oui, ils n’ont pas tenu, mais ils auraient…, ils pourront le dire quand même (rires). Ils pourront le dire quand même : on y est allé hier.

D.C. : Et c’est ceux qui avaient les oreillers ? Ils les ont ramené après ?

A.B. : Oui, ils avaient des oreillers, oui.

*

* *

David Christoffel : Et tu referas ?

Alexis Bouzanne : Si ça repassait là ?

D.C. : Si c’est rejoué dans deux ans ?

A.B. : Non, je ne le referai pas, je pense.

D.C. : Pourquoi ?

A.B. : Parce qu’à la fin, c’était vraiment désagréable. Et je n’ai pas envie que… Je n’ai pas envie de vivre la même expérience.

D.C. : Ah, oui ?

A.B. : Mais j’étais… J’étais content, j’étais très content. Je suis très content de l’avoir fait. Mais je ne le referai pas.

D.C. : Et est-ce que tu en parleras ?

A.B. : Si ça se présente…

D.C. : Quand ?

A.B. : Là, déjà…

D.C. : Justement, comment tu as reçu ma proposition d’entretien ?

A.B. : Je me suis dis pourquoi pas oui.

D.C. : Mais tu trouvais légitime qu’on soit intrigué ?

A.B. : C’est un morceau assez intriguant, déjà…

D.C. : Oui.

A.B. : C’est normal d’avoir besoin de réaction, etc. Et puis j’imagine, comme il n’y a pas un milliard de personnes qui sont restées très longtemps, qui sont restées assez longtemps.

D.C. : Mais moi, est-ce que tu avais repéré que j’étais resté ?

A.B. : Oui, j’avais vu.

D.C. : D’accord… Donc tu guettais le public quand même ?

A.B. : Ah oui, carrément.

D.C. : Enfin, est-ce que ça pourrait corriger les habitudes d’écoute de la musique ?

A.B. : Là, je ne pourrais pas te répondre !