This is not radio (pièce sonore inédite)
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This is not radio – Knut Aufermann
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Première écoute : jeudi 17 mars à 12h et 23h, jusqu’au 24 mars mêmes horaires
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ENTRETIEN
Knut Aufermann, Dominique Balaÿ mars 2011 (traduit de l’anglais, see original version in english)
DB : Lors des échanges que nous avons eu pour préparer cet entretien, tu parles de la radio comme « média éphémère », peux tu préciser ?
KA: Il y a plusieurs traits qui distinguent une bonne radio selon moi.
Le premier est le direct. Le direct en radio est passionnant pour les producteurs comme pour les auditeurs. Tout doit marcher en une seule écoute. Le play on demand, le podcast et les archives devraient être réservés au champ de la recherche scolaire ou universitaire. La musique et l’art sonore devraient être diffusés avec des moyens qui leur sont propres. : ils sont différents de la radio et doivent se déployer en utilisant les « véhicules » appropriés (comme le CD, le téléchargement MP3, l’installation etc.). La génération ipod a oublié l’intérêt d’une émission à moitié ratée. La notion d’accident et la possibilité de trébucher sur un fragment de radio qui s’incrustera à jamais dans votre mémoire est complétement perdue. Un autre trait distinctif est la touche humaine. En radio, cela peut recouvrir bien des aspects, comme l’humour, la voix humaine, l’art radiophonique ou encore les dérapages techniques. De tels événements font bien sentir que la diffusion n’est pas qu’une question d’algorithme et cela crée un lien fort entre celui qui produit et celui qui écoute.
Un troisième trait est la notion de localisation, en rapport avec la diffusion des radios analogiques. Les émissions de radios analogiques se définissent géographiquement selon leur rayon de transmission, qui peut aller de quelques mètres (ondes fm) à des milliers de kilomètres (ondes courtes). Les flux internet sont complétement délocalisés. Écouter en Allemagne le flux d’une radio qui fonctionne sur internet ou qui émet sur la fm, ce n’est pas du tout la même chose pour moi. Je peux sentir sentir la ville uniquement dans le cas de la transmission fm quand je me branche (ou quand je diffuse). La réception analogique présente également d’autres avantages, comme la non-traçabilité (personne ne peut savoir si j’écoute tel ou tel programme), une consommation d’énergie très basse (un jeu de piles permet à un transistor de fonctionner pendant des mois) et également la possibilité de trouver de nouvelles stations au hasard. Cette liste n’est pas exhaustive !
DB : Considères tu la radio toujours comme un média de masse ?
KA: Je ne suis pas certain de bien comprendre la question. Plus je produis de la radio, plus je pense qu’il n’y a pas de coupure dogmatique entre écouter et faire de la radio. Dans un espace radiophonique idéal, la frontière entre les deux devrait être totalement perméable, et permettre de mener des explorations dans les deux directions facilement. J’ai pu faire l’expérience de cette mobilité à travers la scéne expérimentale à Londres, les auditeurs devenant souvent des musiciens et vice versa. Je pense que Resonance FM, qui a ses racines dans cette scène là, est un très bon exemple de l’absence de frontière entre celui qui écoute (radio listener) et celui qui produit (radio maker).
DB : Qu’appelle t-on radio aujourd’hui ?
KA: Malheureusement il y a tellement de choses qui s’intitulent radio et qui ont si peu ou même rien à voir avec la radio. Je suis toujours très amusé par la pléthore de sites internet qui utilisent l’extension en .fm et qui prétendent avoir quelque chose de commun avec la radio.
DB Comme de nombreux observateurs et commentateurs, juges tu utile et suffisant le concept de « post-radio » pour décrire les multiples pratiques radiophoniques ? Penses tu que ces pratiques ont des points communs, lesquels ?
KA: Je suis désolé, mais je ne saisis pas ce concept de post-radio ?
DB Je précise : aujourd’hui la radio se tient à un carrefour de son évolution et ma question est de savoir si selon toi ce media a un avenir en tant que tel ou s’il va converger et s’assimiler aux autres formes multimedia et audio visuelles ?
KA: : Je comprends mieux de quoi il retourne à propos de « post radio ». Je suis entièrement d’accord avec le fait que la radio est à un tournant. Si tu considères ce moment du point de vue des contenus, au dela des questions technologiques, je pense que la radio est en train d’évoluer de deux manières différentes, avec deux grands profils qui se dégagent. Le premier profil de radio est intéressant avec un contenu exaltant et libre, activé par des gens enthousiastes dans les marges du numérique et qui trouveront à s’inscrire bientôt dans l’analogique. L’autre profil de radio est ennuyeux au possible, dissous dans un océan multimédia contrôlé par des fournisseurs de contenus dont le modèle économique, consistant en un profilage extrême, est directement issu de l’internet comme nous le connaissons : des consommateurs prisonniers dans une bulle doucereuse et apolitique . Je renvoie à ce propos aux débats actuels sur la « neutralité » du net.
DB : En quel sens un projet comme websynradio peut croiser ta propre recherche et ta pratique ?
KA: Sur le plan théorique, cela me force à préciser des notions parfois trop floues !
DB : Peux tu nous en dire plus sur la construction du réseau Radia ? Quelles sont tes motivations et tes objectifs ?
KA: Le réseau Radia a été fondé en 2005 par une douzaine de personnes. Depuis nous avons produit près de 300 émissions , contribué à de nombreux festivals, et notre réseau s’est agrandi pour atteindre une vingtaine de membres et de stations tout autour de la planète. Son motif principal est de permettre l’émergence de » Manières nouvelles et oubliées de faire de la radio « , qui reflète l’idée qu’il y a beaucoup de territoires inconnus et abandonnés dans la radio qui ont besoin d’explorations et d’initiatives. Le réseau Radia se caractérise d’abord par une commune curiosité pour tenter de comprendre comment les autres se situent par rapport à l’art radiophonique. Toutes les informations sont disponibles ici : http://en.wikipedia.org/wiki/Radia
DB : Es tu intéressé par le radio art dans le contexte du multi-support et des technologies mobiles ?
KA: Je suis désolé, je ne maitrise pas bien les tenants et les aboutissants. Mais ma réponse de tout à l’heure est je pense assez valable par rapport à ce contexte .
DB : Y a t-il réellement une place pour l’expérimentation à la radio ?
KA: Bien sur. Le fait que tu poses cette question montre qu’il y a aussi sans doute un besoin de sensibiliser le public dans ce domaine , et de continuer à proposer au public un art de l’écoute, par la radio, lié de façon indissoluble à un art de faire de la radio .
DB: Quelle est ta position au sujet du copyright et de la propriété intellectuelle ?
KA : Je diffuse mon travail autant que possible sous licence Creative commons. Je ne comprends pas du tout l’idée de propriété intellectuelle sur le plan juridique et je suis très perturbé par les propositions et les développement en cours visant à augmenter l’arsenal juridique (ACTA etc.*).
DB : As tu un modèle économique pour lancer et pérenniser tes différent projets de radio ?
KA: Non. Si l’idée est suffisamment forte, alors je le fais. Et si d’autres personnes pensent aussi que c’est fort, alors je suis payé pour le faire
*Anti-Counterfeiting Trade Agreement
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ELEMENTS
Knut Aufermann, né 1972 à Hagen (Allemagne), a fait des études de chimie puis d’ingénieur du son et d’arts sonores (MA Middlesex University). De 2002 à 2005, il a été le directeur d’antenne de Resonance104.4fm à Londres. Il est maintenant actif dans toute l’europe comme musicien, artiste radio, organisateur et curateur, consultant et conférencier. Knut Aufermann développe une pratique de musique électronique improvisée utilisant différents systèmes audio. En collaboration avec Sarah Washington, il mène le projet Mobile Radio qui explore différents contextes de production radio : ce travail a reçu un large écho et a été diffusé dans 12 pays et 28 stations. Il est l’un des fondateurs du réseau de radio indépendantes Radia.
http://knut.klingt.org/
http://mobile-radio.net