Lai del ragionare lento / Lello Voce

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.Traduction Lella Le Pillouër

Lai del ragionare lento

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Ainsi ça ne va pas, ça ne va pas, je te le dis, ça ne va pas : comme une supernova

explosée comme un astre essoré de frais comme ta bouche tendue et lasse

accélérée comme particule maintenant je ne sais plus même s’il s’agit d’une étoile ou plutôt

d’une paillette collée au regard un éclat de diamant qui perce tes pupilles ou

un désir de lumière qui papillonne à l’horizon d’un ultime outre-monde voyage

condamnation qui nous damne crème aigre gavant le mot qui déjà nous étrangle

car ça ne va pas, ça ne va pas, ça ne va pas : ce n’est désormais qu’un trou noir de sentiments

et souffles amour domestiqué casanier comme en prison le tigre ou plutôt crois-tu

qu’on devrait démettre l’âme et rester là voir si à la fin il y aura le

prix le gros lot la croisière qui nous crucifie l’effort qui enfin nous plonge dans le

souvenir le partage d’un spectaculaire et scénarisable suicide synthèse ultime d’un savoir

de nous genre humain de nous genre éteint de nous humains engendrés usés concassés brisés

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(si je te parle désormais je ne me parle plus, si je me parle désormais je ne te parle plus et si j’en parle crois-moi

c’est seulement parce que dans le souffle qui s’élide en pensées reste la nostalgie d’un hier)

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Ainsi ça ne dure pas, ça ne dure pas, ça ne dure pas, je vous dis que ça ne dure pas : ici on meurt de faim

et d’obésité de richesse et de pauvreté, on meurt de solitude et de rumeurs on meurt

au nom de Dieu pour se libérer de Dieu on meurt pour le seul plaisir de le faire et pour se sentir même

pour un seul instant Dieu et moi qui ici transpercé serre tout mon moi défait sur ma poitrine

je déchire le contrat et je tremble déjà en lançant le dé croyez-moi vous verrez qu’à la fin des fins

nous serons coupables malgré nous et il y aura d’inutiles fleuves de sang et d’encre des monstres

car ainsi ça ne dure pas, ça ne dure pas, non ça ne dure pas : il s’agira peut-être d’oiseaux ou d’un fourmillement d’insectes

ou des yeux fendus des bêtes fauves des êtres rampants entre les arbres et pas d’abris sûrs

non au contraire il y en aura des féroces aux mâchoires étroites et au cœur aride pour seriner nos

fautes nous mordant l’âme au jarret nous arrachant des confessions torturées par le privilège

dictant l’ultime florilège les affres ironiques qui d’un rot diront « point final » qui

du dernier détruit feront un monument de la plainte une grimace du sentiment éteint un tourment

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(si je vous parle désormais je ne me parle plus, si je me parle désormais je ne vous parle plus et si j’en parle croyez-moi

c’est seulement parce que les mots sont le rythme de la rescousse insulte âcre autisme qui donne la secousse)

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Ainsi ça finit mal, mal, mal : je lui dis qu’ainsi ça finit mal parce que désormais on n’y est plus

parce que ni les mots adaptés à l’effroi ni les instants d’amour ni l’envie de

vent parce qu’on vit de frayeur satisfaite d’obscurité à cinq étoiles de corps sans peau

de ciel sans étincelles de mâchoires serrées de masques clonés on vit dans l’ignominie et le faux et

le mal est une évidence une habitude c’est un lieu commun un habit de bure fruste sur le futur

un mur dur et obscur écu transaction d’émotion investissement relationnel sans sel

car ça finit mal, mal, mal : et n’est pas valable la combine de l’opulence ni celle déloyale

de la science pas valable le Dow Jones en escalade pas valable la conquête spatiale et pas même

l’émotion pour un tourment ni les entrailles immolées à l’éternelle surdité du ciel peut-être seulement

en arrachant le voile peut-être en creusant jusqu’aux racines du poirier et du chant commun de l’âpre poil

et du gastrique gonflé de gaz et de mensonges gonflé de mets et de bol et de chyme et grammes après grammes perdre

le profit jusqu’à le réduire à une existence mise en jeu un risque d’utopie un souffle long et une promesse

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(si je lui parle désormais je ne me parle plus, si je me parle désormais je ne lui parle pas et si j’en parle crois-moi

c’est seulement parce que je hais dire je l’avais dit, parce qu’il n’y a pas de salut et de salut il n’y a pas je l’ai dit)

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un climat qui intime du monde qui applaudit soumis et s’incline c’est que celui qui devrait s’opposer pose

des questions et n’a pas de réponse c’est que personne n’a plus d’espoirs remisés mais seulement des actions et des bons

de la bonté en Bourse et des sentiments sous contrôle il y a que c’est une mal’aria tout humide de violence et

sans abris auxquels courir ni saints auxquels recourir il y a aussi que tes yeux désormais ne voient pas

combien aveugles sont devenus les miens usés de douleurs et d’heures presbytes des années et roués de dettes

car ainsi ça ne va pas ça ne dure pas ça finit mal : il n’y a plus de piment pas même à donner du tourment

seulement des tessons de verres des débris tranchants d’assiettes implacables comme des vocables goulots de bouteille des milliers et

milliers de mots et des mots et des mots des restes d’os sans morsure des torses d’hommes et de femmes et des jupes

vides de jambes des mains sans bras des pieds sans orteils seulement cette interminable parodie de vie

désagréable sans issue ce tronc d’existence n’opposant plus de résistance qui se rend mais

dès le lendemain regrette pense par vice par habitude qu’il est peut-être pensable croyable imaginable

qui racle le fond se nourrit de rebuts et d’échantillons et de songes et pendant ce temps avance avance comme une onde

comme un vent comme une ligne qui couvre du tissu des vers le corps nu de nous deux à découvert…

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Voir la vidéo:

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Petite cuisine cannibale

À  J.

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j’ai besoin d’une lente sente et d’une vie qui me mente

où l’on entende le son tombant de chaque sentiment j’ai besoin

de rêve abandonné d’étalonner le mensonge

de fuir les fers besoin d’atteinte et d’absinthe et de groin

j’ai besoin de chair de flair de mettre mat de fuir l’échec et mat

besoin d’yeux et du bout de mes doigts de langue de narines et de mitrailleuses

d’un gouffre sourd qui engloutit les jours de l’une des veines de tes racines

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) arrache mes pupilles mastique-les avec tendresse  savoure le goût

amer du coup et la poudre que j’ai répandue sur les émotions coupe-moi

la langue et brûle-s-en la pointe afin que la fumée se fasse encens

afin de trouver un sens)

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si j’existe encore c’est pour te nourrir pour te ravir pour te fuir et pour te trahir

te clouer au tapis au crépi et te vouer au signe

ambigu qui nous sépare à l’air rare qui se tient entre nous et nous unit en

un souffle au reste de chacun de nos gestes si j’existe encore c’est pour te dire

je t’en prie continue de t’étonner pour te dire prends garde bonheur ne rime pas

avec cœur mais avec le grondement de la douleur avec les muscles déchirés que

tu caresses le soir avec l’unique chose vraie le sang versé qui donne le printemps

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) écartèle-moi les jambes et détache-les du tronc démonte les genoux

vide-les de liquides et paroles sèche-les à la flamme calme du doute

enfonce-moi d’un coup sec et net la hache dans les fesses débite-moi

mets-moi en morceaux et dévore-moi)

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si j’existe encore c’est pour te dire de ne pas croire une seule parole d’affûter

ton regard comme couteau sur le cou de continuer à croire qu’

un dindon vole même au prix de rester seule même au prix d’être

celle qui dit la dernière parole si j’existe encore c’est pour l’acrobatie

qui jamais ne rassasie pour cette dernière caresse l’instant avant ce

souffle haletant qui me blesse c’est pour lécher tes mains avec tendresse

pour boire ta sueur te laver du malheur c’est par amour ou pour sa valeur

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) coupe-moi les oreilles avec soin et recouds-les aux coins des lèvres et les

paupières les bouts des doigts épingle-les sur la langue avec des virgules et

des points là où cela palpite là où la dent souffre et pulse en caillots de dignité

le rythme de la douleur l’accent de la liberté)

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j’ai besoin d’oublier le futur d’imaginer le passé j’ai besoin

d’un souffle chaud sur mon cou de menaces de chantages de violence d’une lance

empoisonnée besoin d’une durée unique lisse comme un miroir comme

la glace fendue par le fil des patins comme si c’était la faille d’une histoire

commune un sort une morsure de vie qui bat comme des lames et abat moi

j’ai besoin de peau et d’odorat mais toi regarde-moi sans me toucher et maintenant

dérobe-moi la vie avec adresse mon amour et puis éteins-moi avec tendresse

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Voir la vidéo:

(textes de Lello Voce, musique de Paolo Fresu et Frank Nemola)

Lello Voce – texte

Paolo Fresu – trompette

Frank Nemola – clavier électronique

Enregistré et mixé à Bologne – littleBird Street Studios – 2008