L’art contemporain actuel n’est pas seul. L’art moderne contemporain actuel et l’art classique contemporain actuel composent également le paysage de l’art contemporain d’aujourd’hui.

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Art historique                                                  Art contemporain actuel

L’art contemporain actuel est-il un mouvement esthétique parmi d’autres, tels l’art classique contemporain actuel et l’art moderne contemporain actuel ? L’art contemporain actuel s’inscrit-il dans un paradigme ontologique parmi d’autres ? Faut-il combattre la doxa qui règne dans les esprits éclairés qui considèrent que l’art contemporain actuel a remplacé tous les mouvements artistiques qui existaient avant lui ? L’art contemporain actuel résiste-t-il à son autoquestionnement : est-ce de l’art ? L’art contemporain actuel est-il une excroissance pédagogique « poétisante » de la sociologie ? Les artistes entrepreneurs ont-ils adoubé l’idée selon laquelle l’art est devenu un secteur libéral comme les autres, business is business, etc. ? Est — ce dans l’authenticité du vécu esthétique que réside le beau corps de la politique? L’ intelligibilité du monde est-elle réalisable sans la philosophie quantique[i]?… Ouf…

Y a-t-il nécessité à n’avoir qu’un seul paradigme[ii] pour que l’art contemporain actuel puisse incarner, à lui seul, l’art d’une nouvelle civilisation ?

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Art historique                         Art moderne historique                Art moderne contemporain actuel          Art contemporain actuel

Le processus de création des œuvres d’art est somme toute assez mystérieux. Si l’on s’intéresse à sa propre expérience phénoménologique créative, on a déjà un premier point de vue sur la question. Le processus fut long dans l’histoire. Plusieurs milliers d’années furent nécessaires à l’apparition d’un préchamanisme, ferment d’une métaphysique supposée ou d’une poésie des premiers sentiments et sensations liés à la prise de conscience d’être au monde.

Les exemples sont légion dans le passé lointain, avant les premiers philosophes, où l’intelligence artistique était moins dictée par l’aspect de la pensée pédagogiquement scientifique, dirions-nous aujourd’hui, que par l’intuition d’expulser de soi la sensation d’un sentiment confus, mais très authentique, dans la pulsion qui fait apparaître l’art. Exprimer ontologiquement une vérité métaphysique du monde à travers son corps et son âme d’artiste, mettre au jour le corps de l’art. Une image du monde et la découverte de soi.

Plus près de nous en termes historiques, un exemple de la création musicale peut illustrer cet aspect de la compréhension du phénomène. Il n’y a pas de contradiction, rien ne les oppose. La musique contemporaine que l’on propose à l’IRCAM n’est pas la seule musique représentative de notre époque. Elle ne représente pas, à elle seule, l’art musical contemporain actuel. Le jazz, le rock, la chanson engagée, les musiques du monde et la musique électronique sont des représentants de la vitalité du secteur de la recherche musicale tout aussi valable. Nous pouvons prendre également l’exemple musical de deux compositeurs célèbres pour la qualité artistique de leurs compositions. Mozart incarne l’intuition poétique désacralisée de la composition musicale, et Bach le métaphysicien spéculatif du même exercice. L’un et l’autre se contredisent-ils ? Deux points de vue qui se parlent ou deux aspects qui livrent la bataille du primat de la juste attitude en art ? Mozart admirait le grand maître, les artistes ne sont jamais véritablement en guerre les uns avec les autres, ils sont au-dessus des idéologies qui naissent dans l’exercice du pouvoir du monde politique et de la finance internationale.

Nous n’allons pas mesurer les proportions nécessaires du sentiment — sensation, intuition — ou de la pensée — idée — dans l’élaboration d’une œuvre d’art, que ce soit dans les arts plastiques, la musique, la danse, le théâtre ou la littérature. À l’évidence, une part de sentiment et de pensée se mêle à la gestalt. Mais la proportion est différente selon le choix philosophique auquel adhère l’artiste. Rien n’écœure autant les plus fervents défenseurs de l’art contemporain actuel que le sentiment primaire d’une sensation à l’extrême et du pathos de certains artistes classiques ou modernes. Le primat du concept, initié par Marcel Duchamp, les habite profondément et leur permet de justifier la déconstruction salutaire de la tradition de la peinture avec la nouvelle philosophie du même nom.

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Art moderne historique                            Art classique contemporain actuel                          Art contemporain actuel

À l’évidence, notre époque suit les principes fondateurs de Marcel Duchamp dans ses applications idéologiques simplifiées, l’urinoire et la sculpture-objet, au détriment de la sculpture-corps de l’art qui intègre la quatrième dimension. Doit-on croire que c’est cela que souhaitait Duchamp ? Nous pouvons en douter. Une réponse possible à la doxa de l’art actuel serait de leur rappeler le symbolisme ambiant de la pensée du début du XXe siècle qui est plus l’expression de l’esprit scientifique lié à l’art et aux artistes cubistes et futuristes, que de celui d’un idéologue souhaitant faire école. Oui à l’esprit libre, oui à Rrose Sélavy, mais dans quel ordre ?… Orson Welles disait que tout ce que produisent et construisent les hommes est l’expression de l’énergie mise par ceux-ci pour plaire aux femmes — sous-entendu avec le corps de l’art —, le sexe étant l’incarnation même des sens et du corps mis au service de l’esprit — le premier féconde le second.

L’intuition conduit l’esprit qui découvre la nature… Son corps cède à l’expérience de l’amour… et celui-ci le transforme vers  l’intéllect de l’esprit qui le redécouvre comme un art sublime…

Nous pouvons, peut-être, parvenir au postulat suivant que l’art conceptuel tue l’idée en créant une distance entre l’idée et le réalisme du contenant de celle-ci — l’objet œuvre d’art qui la représente — et aggrave son cas en évacuant un processus de réalisation du corps de l’art à travers le corps de l’artiste et le modelage de la matière, par exemple dans la sculpture et la peinture …

L’art par le passé n’était-il finalement qu’un artisanat d’art atteignant parfois la presque perfection, et surpassé actuellement par l’art vrai découvert par l’art contemporain actuel?

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Art historique                                                                                         Art contemporain actuel

Pour beaucoup de spécialistes de l’art contemporain, la nostalgie des peintres du passé est le signe d’une méconnaissance de l’avant-garde et de ses conséquences libératrices salutaires sur les pratiques artistiques d’aujourd’hui. Comment dire… ? En définitive, les artistes du passé étaient de formidables artisans et, en comparaison avec les artistes actuels, il leur manquait un élément important : le concept avec son vecteur qu’est la pédagogie de l’image de la réalité. Pour la sculpture, il s’agit de la sculpture-objet, qui conduit l’œuvre d’art à représenter non pas quelque chose — résultat d’une sensation phénoménologique de ce qui est —, mais un concept qui devient œuvre d’art par la sensibilisation de l’objet neutre par son réalisme — il est là, il est lui-même plus quelque chose — mis en situation d’élévation pédagogique par l’esprit et l’incarnation du concept plus que de l’idée.

L’art contemporain actuel… est-ce de l’art ? Il suffit de dire que cela en est pour que cela en soit…

Conséquence théorique : la fin de la civilisation judéo-chrétienne et la fin de l’histoire de l’art. Voici donc une nouvelle civilisation postmoderne critique, avec l’art contemporain actuel comme représentation de l’art d’une nouvelle civilisation. Doit-on adhérer à cette évolution inéluctable de l’objet œuvre d’art… pour pouvoir être un artiste de son temps ? Ou devons-nous entamer un débat, déjà abordé par des sociologues et des philosophes, sur ce qui constitue l’appropriation à son seul usage par l’art contemporain actuel — qui l’érige en doxa — de la pratique théorique de Marcel Duchamp (sans son consentement ?), et tente de l’appliquer de force par l’argent dans tout le landerneau des grandes manifestations d’art plastique internationales.

doc8-tres-bon2-8593642Art historique                                                                                         Art contemporain historique

Il y a deux réponses possibles. La première consiste à considérer l’art ancien comme formidable, mais seulement du point de vue de la qualité technique et de l’extraordinaire finesse artisanale des œuvres produites. L’art contemporain est supérieur par l’aptitude qu’il possède, lui, à exprimer un point de vue critique sur le monde et à envoyer vers celui-ci un miroir d’interrogations pédagogiques, de concepts, qui ne sont plus liées à une quelconque métaphysique spéculative. L’œuvre se construit mentalement et descend en maîtresse sur la matière/objet.

Il ne s’agit pas de nier le génie d’artistes nombreux, comme Marcel Duchamp, qui ont construit depuis le début du XXe siècle une réflexion déconstructive sur les visions sclérosées des pratiques artistiques qui le méritaient, mais de clarifier les dérives qui en découlent. Il n’est pas sûr que Marcel Duchamp espérait se reproduire à l’infini, ni souhaitait prendre le pouvoir par sa seule pensée fulgurante sur la philosophie de déconstruction que représentent ses œuvres d’art encore mystérieuses, et dont l’exégèse est loin d’être terminée. Ah ! s’il savait l’utilisation équivoque de son génie que réalise l’ingénierie des marchands d’art, se servant uniquement de l’objet d’art pour « […] donner sa chance au produit… », en éliminant tous les concurrents — c’est-à-dire l’art ancien et l’art moderne — à seules fins de bon déroulement du commerce.

La deuxième opinion est simple : tout est possible en art, même ce qui ne l’est plus. C’est-à-dire un entrelacs de contradictions et d’incertitudes dans la substance des émotions traditionnelles des pratiques séculaires qui interrogent l’art contemporain actuel. Les artistes classiques actuels et modernes actuels sont vivants, ils interrogent l’art contemporain le plus dur d’aujourd’hui. Ils ne représentent un danger que pour le maintien d’une pensée unique pro-art contemporain actuel et cela gêne.

Nous ne sommes pas les seuls à le plaider, il y a des sociologues et des philosophes qui posent le problème bien mieux que nous à ce sujet. L’art contemporain incarné par la théorie des concepts – idées n’est pas le seul art représentatif de notre époque, tant s’en faut.

Notre époque contemporaine a-t-elle accaparé une forme de méthodologie de la pensée horizontale terre à terre à son seul usage pour promouvoir uniquement l’art désacralisé ?

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Art historique                                                                                         Art contemporain actuel

Cette question est le prolongement du questionnement précédent. En effet, l’art contemporain ne peut pas faire l’impasse sur le questionnement de l’épreuve de l’art. Est-ce de l’art au sens où l’entendaient les époques précédentes, c’est-à-dire l’art classique et l’art moderne ? L’art contemporain se caractérise par une rupture ontologique d’avec l’art du passé, il se définit actuellement comme une excroissance artistique pédagogique de la sociologie ; en somme, comme une efflorescence de l’activité scientifique de la sociologie, sans les compétences scientifiques, remplacées par une interprétation incantatoire horizontale réaliste — objet terre à terre — du biotope social du monde actuel. Est-ce encore de l’art ou de la sociologie illustré par l’image?

Qu’en pensent les populations qui visitent les musées d’art ancien ou d’art moderne ? Beaucoup d’entre nous, les artistes, sommes des laïcs convaincus, mais nous sommes aussi nombreux, en tant que citoyens, à refuser d’en venir à s’interdire de se rendre dans les églises pour y contempler les oeuvres d’art  religieuses, sous prétexte que cela ralentirait l’avènement d’une nouvelle civilisation. Nous aimons tous les musées, sans exception, ou l’on peut apprécier  l’art classique, l’art moderne et l’art contemporain actuel. Nous pouvons raisonnablement accepter les différences d’interprétation du monde réel — Platon ou Aristote[iv] ? — ou ajouter une nouvelle voie sans pour autant remettre en question l’existence de l’art. L’art contemporain actuel (et son paradigme mono-ontologique) n’est pas le seul art d’aujourd’hui. Pourquoi ne pas plaider pour un nouveau paradigme philosophique de l’art contemporain, en vue de créer un après-art contemporain actuel : le classicisme, le modernisme et l’art postmoderne avec une nouvelle légitimité esthétique et un nouveau paradigme de cosmo-ontologie de l’art.

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Art moderne historique                                                                                         Art contemporain actuel

Donc, nous pourrions considérer que l’art de peindre ou de sculpter, ontologiquement relié à des pratiques traditionnelles, n’est pas obsolète et ne doit pas disparaître. Ne laissons pas tout le terrain de la visibilité à un art contemporain sociologiste au détriment de la peinture et de la sculpture mêmes.

La poésie et la métaphysique sont-elles des points de vue philosophiques créateurs d’antagonismes ?

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L’ultime questionnement  consiste à se demander s’il y a une contradiction à considérer possible la concomitance de plusieurs tendances esthétiques au sein du landerneau des exploitants de galerie d’art et des manifestations culturelles des pouvoirs publics. Vous allez me dire qu’elle existe de fait. Mais ce n’est pas aussi simple. Dans un passé récent, les galeries d’art étaient très cosmopolites dans leurs textures : de la plus petite aux plus grands espaces ; de la défense d’artistes modestes à la qualité la plus pointue ; de l’envergure financière la plus basse à la plus grande valeur en retour d’investissement. Un plus grand cosmopolitisme régnait dans les grandes manifestations d’art plastique organisées par les pouvoirs publics. Bref, il y en avait pour tous les goûts. Il ne faut surtout pas oublier que les galeries d’art existent sous la forme actuelle depuis très peu de temps. L’époque que nous vivons change considérablement les règles du lien qui unissait l’artiste et le marchand. D’abord, il faut savoir qu’il existe une poignée de galeries qui fixent les règles et définissent les critères d’adoubement des futurs artistes bancables. Chapeauté en cela par les collectionneurs les plus représentatifs du monde capitaliste néolibéral le plus brutal, où l’action et le travail sont les seuls chemins qui doivent mener à l’argent… Le Veau d’or est toujours debout…

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Ce point n’est pas vraiment nouveau, mais ce qui change, c’est l’inversion du phénomène. En effet, par exemple, pour promouvoir la nouveauté que représentaient à leurs yeux les nouveaux artistes, les galeristes œuvraient en prenant des risques. Ce qui les motivait n’était pas uniquement une rentabilité des bourses financières, mais une réelle adhésion à l’art quand celui-ci leur apparaissait dans les œuvres d’artistes innovants. D’abord l’amour de l’art, en pensant le rencontrer, et puis après seulement l’argent comme solidificateur du génie adoubé par la reconnaissance de tous.

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Art moderne contemporain actuel                                                            Art contemporain historique

Les convictions religieuses ou politiques importaient peu à l’amateur éclairé. Nous sommes loin du compte aujourd’hui. Nous amener à considérer que seuls les grands patrons de l’industrie qui font retomber sur une vingtaine de galeries leurs goûts en matière d’art possèdent le bon goût n’est pas acceptable… Il faut ajouter alors, pour être complet, les philosophes — pas tous, heureusement — qui adoptent le seul paradigme de l’art contemporain actuel, et uniquement celui-ci, et le théorisent comme inévitable.

L’on peut alors saisir l’ affaiblissement de certaines options esthétiques…  en faveur d’un seul point de vue ?

Ah ! Marcel… Ils sont devenus fous en ton nom.

Alius et idem

Dario Caterina,

Le 8 novembre 2014

[i] La philosophie quantique est très complexe, il ne m’appartient pas de tenter une explication ici. En gros, ce qui m’intéresse, c’est l’idée que phénoménologiquement, le monde ne nous apparaît pas exactement comme il existe. Ici, l’imaginaire est la seule solution pour tenter une approche, en tout cas pour l’instant… L’expérience de l’art ressemble très exactement à un monde que nous ne voyons pas, mais que nous cherchons dans nos expériences esthétiques, sans toujours l’atteindre, et ce indéfiniment dans toutes les œuvres d’art de toutes les civilisations humaines.

[ii] Les travaux de certains sociologues contemporains permettent d’approfondir scientifiquement tous les questionnements au sujet de l’art contemporain, étant entendu que la subjectivité règne dans les différents points de vue sur la question. Bref, dans les grandes lignes, il existe tout un terreau de réactions non réactionnaires au sujet de l’art contemporain actuel qui permettent de croire à un ajustement positif de la doxa sur le sujet.

[iv] Les philosophies de Platon et d’Aristote résument à elles deux l’ensemble des questionnements et des points de vue qui sont en dialogue et en opposition depuis l’Antiquité. Il y a eu un foisonnement de nouvelles approchent philosophique très important entre les deux, et depuis peu la philosophie postmoderne de la déconstruction, un nouveau paradigme est né en philosophie.