Qu’est-ce qu’un imposteur? / Catherine Chomarat-Ruiz

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Le « risque esthétique » est-il dans l’imposture ? À travers la figure de Marcel Duchamp aux prises avec la critique d’art, nous cernerons les critères de l’imposture. Nous envisagerons son fondement ontologique, ce en quoi elle concerne l’artiste et tout homme, ce pourquoi, elle implique, faute d’herméneutique, tout lecteur/spectateur.

L’imposteur : difficultés d’une définition

Dans le domaine de l’esthétique, la prise de risque inhé­rente à la création artistique paraît osciller entre provocation et critique, entre marchandisation sociale de l’oeuvre d’art et contestation politique. Il reste cependant à cerner plus précisément en quoi réside ce péril. Or, il semble que le ris­que encouru par l’artiste tient parfois à l’accusation d’imposture. Il est tout aussi manifeste que Marcel Duchamp constitue un des cas, une des figu­res emblématiques d’artistes soupçonnés d’imposture. C’est en ce point que se situe  notre propos. 

À la question de savoir « ce qu’est un imposteur », on répondrait assez spontanément qu’il s’agit d’une personne qui cherche à tromper. L’imposteur affecte la vertu, prononce des dis­cours élogieux dont il ne pense pas un seul mot, cherche à nous abuser sur la valeur d’un ob­jet, se prévaut d’un titre qui n’est pas le sien… Mais  qu’elle serait alors la différence entre un faux dévot, un flatteur, un escroc, un usurpateur et un imposteur ? Ce dernier désignerait peut-être le vaste genre dont les premiers constitueraient les espèces. Néanmoins, il n’est peut-être pas que cela.

Dans le cas qui nous occupe, définir ou dire ce qu’est un imposteur revient à voir enfin son visage nu et sans voile, à le « démasquer ». Prenons l’image au sérieux. Il ne s’agit pas sim­plement d’échapper à la supercherie dont nous risquons d’être les victimes : l’acte de démas­quer concerne la personne même de l’imposteur. En outre, toute tentative faite pour démas­quer un imposteur présuppose que sa personne, son moi puisse être transparent à lui-même et, en l’occurrence, aux autres.

Or, une telle tentative ne se heurte-t-elle pas aux investigations du psychisme auxquelles Freud a procédé ? Elle s’oppose à l’idée que « le moi n’est pas maître dans sa propre mai­son [1]» parce que la claire conscience que nous avons de nous-mêmes est sous l’influence que l’éducation et la culture exercent tandis que certains épisodes de notre vécu et certains désirs peuvent être censurés, au point de nous être dissimulés, c’est-à-dire inconscients.  Elle ne s’inquiète donc pas de ce que la mascarade de l’imposteur dissimule peut-être le masque dont tout homme est porteur, parfois à son insu.

Démasquer l’imposteur constitue donc une démarche qui renvoie à une dénonciation ou à un oubli. Cette tentative pourrait trouver sa légitimité dans la volonté de dénoncer l’imposture dont l’hypothèse de l’inconscient est constitutive. Mais peut-on prêter une telle volonté à une démarche si répandue qu’elle en paraît spontanée ? Démasquer l’imposteur relève plutôt d’une démarche oublieuse de ce que le psychisme ne recouvre pas qu’une conscience  pleine, entière, accessible à elle-même.

Dès lors, l’imposteur ne désignerait  pas uniquement un genre dont tous ceux qui cherchent à nous tromper formeraient les espèces. Loin de correspondre à une tromperie à propos de quel­que chose –le caractère immoral d’une conduite, ce qu’un tel pense de nous, la valeur d’un objet…-, l’imposture concerne l’être de l’imposteur. Si ce dernier est un porteur de mas­que(s), son véritable tort n’est-il pas d’élever au rang d’une pratique ce que tout homme fait plus ou moins sciemment,   porter un ou plusieurs masques ?

C’est cette hypothèse que nous voudrions instruire. Plutôt que de chercher à démasquer l’imposteur, à dire si untel en est un ou pas, nous voudrions mettre au jour la structure qui sous-tend l’accusation d’imposture et nous interroger sur sa légitimité. En effet, nous souhai­terions nous arrêter sur la façon dont l’imposteur répond à l’accusation qui pèse sur lui. Pour y parvenir, nous nous appuierons sur l’œuvre de Marcel Duchamp qui fut, en son temps, soup­çonné d’être un imposteur.

Marcel Duchamp et la critique d’art

Si l’on reconnaît aujourd’hui le rôle primordial que Marcel Duchamp a joué dans l’art contemporain, son œuvre n’a pas toujours bénéficié d’un accueil aussi élogieux. En effet, dès 1912, c’est-à-dire dès le Nu descendant un escalier, n°2 [2] que Duchamp présente au Salon des Indépendants, la critique se déchaîne. Albert Gleizes, cubiste, demande aux frères de Marcel Duchamp –Jacques Villon et Raymond Duchamp-Villon-, de retirer cette œuvre de l’exposition. Albert Gleizes voit du mouvement dans cette production artistique et, à ce titre, il pense qu’elle est moins représentative du cubisme que du futurisme, c’est-à-dire d’un cou­rant littéraire et pictural exaltant le modernisme des machines, la vitesse, le mouvement, le danger…

Ici, on reproche à Marcel Duchamp de se présenter comme cubiste alors même qu’il ne le serait pas. L’imposture porte sur le courant artistique dans lequel il est censé se situer. Tou­jours à propos de cette même œuvre, on souligne qu’il fait de la chronophotographie sans être photographe. Le reproche tient à la confusion des genres consistant à faire de la peinture une imitation de photographie. De même, on peut reprocher à Marcel Duchamp de confondre, d’une part, les genres artistiques et, d’autre part, l’art et les mathématiques quand il crée les Trois stoppages étalons [3]. La boîte de croquet constitutive de cette œuvre contient trois fils d’au moins un mètre de long qui, lâchés à un mètre de hauteur, dessinent des courbes dont Duchamp assure la pérennité en les collant sur de la toile puis sur des plaques de verre dont un côté est bordé d’une règle en bois qui épouse la courbe du fil. Cette production, qui n’est ni une sculpture, ni une peinture, est la mise en œuvre d’une idée : on peut créer des unités de mesure variables et arbitraires.  Il est possible de se servir de ces mesures pour créer d’autres œuvres. [4]

Mais de façon plus radicale, à propos des « ready-made », la Roue de bicyclette [5], par exem­ple, on soupçonne Duchamp de ne plus être un créateur d’œuvre digne de ce nom, puisque qu’il ne crée pas plus la roue que le tabouret et que l’assemblage de ces deux éléments relève plus de la technique que de l’art. Et ce soupçon s’alimente du fait que, non content de délais­ser l’art pour le jeu d’échecs, de 1913 à 1939, il déclare se détourner des arts plastiques. Or, de 1946 à 1966, il élabore dans le plus grand secret une œuvre –une installation- qu’on ne découvrira qu’après sa mort : Étant donnés : 1° la chute d’eau, 2° le gaz d’éclairage [6]. Ici, la réprobation tient à ce que Duchamp trompe sur ce qu’il fait : son silence dissimule un intérêt et une réelle pratique de plasticien. Et comme il publie, sous le pseudonyme de « Rrose Sélavy », un ensemble de contrepèteries grivoises [7] et qu’il justifie lui-même ce pseudonyme en disant qu’il est plus facile de changer de sexe que de religion -n’hésitant pas à se faire por­traiturer déguisé en femme, par son ami Man Ray [8] – le reproche touche, ici, non pas simple­ment à ce que Marcel Duchamp fait mais à ce qu’il est : peintre, sculpteur, joueur d’échecs, écrivain, travesti [9]…

Les quatre critères de l’accusation

On l’aura compris, la critique tient au faire et à l’être : elle relève de l’accusation d’imposture. Sur quels principes cette dernière se fonde-t-elle ? Cette accusation repose, en premier lieu,   sur des critères esthétiques. Elle tient pour acquis qu’une œuvre d’art trouve son sens par une inscription dans un groupe, un courant artistique, c’est-à-dire dans l’histoire de l’art. Mais si tel était le cas, aucune œuvre ne pourrait commencer à se libérer du passé « au sens personnel du mot [10]», comme le note Marcel Duchamp, c’est-à-dire aucune œuvre radicalement personnelle et nouvelle ne verrait jamais le jour. Toute œuvre resterait collective et prisonnière d’une histoire familiale –la famille de Duchamp connaît plusieurs artistes- ; aucune histoire de l’art, avec ces évolutions et ses ruptures, ne pourrait advenir.

Deuxièmement, cette accusation d’imposture tient à l’idée que peinture, sculpture et  photo­graphie constituent des domaines nettement séparés. Mais, là encore, on pourrait rétorquer que ces classifications évoluent en fonction des œuvres qui apparaissent, comme autant d’outils destinés à mieux les comprendre : on ne voit pas pourquoi elles pourraient constituer une sorte de législation en matière d’art.

On pourrait alors souligner que les critères d’ordre esthétique de cette accusation d’imposture reposent sur une compréhension discutable de ce qu’est l’histoire de l’art, que l’on entende par là l’ensemble des productions artistiques ou la discipline chargée d’enquêter à propos de ces dernières. À son insu, cette accusation s’inscrit dans la critique que Platon adresse à l’art de son temps. Dans le « Livre II » des Lois, ne reproche-t-il pas à la musique, à la poésie et à la peinture grecques du Ve siècle avant J.-C. de ne pas être immuables comme l’art égyptien avait su le rester tout au long de son histoire [11] ? Et si on rapproche le « Livre III » du « Livre X » de la République, Platon ne regrette-t-il pas l’évolution conduisant la poésie, la musique et la peinture à ne plus exalter les valeurs morales, comme si ces trois arts tendaient à se confondre en une même pratique étrangère à toute préoccupation d’ordre éthique [12] ?  Enfin, l’autorité, le caractère régulateur ou législatif, que cette accusation confère à la classification distinguant entre genres artistiques ne relève-t-elle pas du rôle politique que les classifications esthétiques recouvrent dans les Lois ou dans la République, c’est-à-dire dans les œuvres poli­tiques de Platon ? De façon involontaire, cette accusation d’imposture comprend l’histoire de l’art et ses outils à partir de l’inscription philosophique et politique des prémices de ce champ disciplinaire.

Troisièmement, cette accusation d’imposture tient pour indiscutable que l’art, les mathémati­ques, la technique et les jeux sont des choses distinctes qui requièrent des discours de spécia­listes. En prenant appui sur la pratique de l’artiste, on pourrait néanmoins soutenir que l’art présuppose une connaissance de la perspective et de ses lois qui a trait aux mathématiques. Là encore, n’est-ce pas Platon qui, dans le « Livre VI » de la République, distingue, parmi les objets de la connaissance, entre les images des choses sensibles (les ombres, les reflets et les représentations en général), et les choses sensibles elles-mêmes, d’une part, les objets mathé­matiques et les Idées, d’autre part [13] ?

En outre, n’est-ce pas le même Platon qui, dans le « Livre X » de la République, distingue entre l’artisan, qui dispose d’une technique –d’un savoir-faire- et l’artiste, qui se contente de produire des simulacres des choses sensibles [14]? Une fois de plus, l’accusation d’imposture comprend ce que doit être l’art, et les autres domaines de l’activité humaine, en référence à une critique de l’art que la philosophie conduit sur le terrain de la connaissance. L’art serait tout juste capable de nous donner accès aux représentations des choses et non à ce qu’elles sont en réalité. Il ne nous permettrait pas d’accéder à la vérité contrairement à la technique – même si ces savoir-faire doivent être éclairés sur ce qui a à être fabriqué-, et aux sciences, au rang desquelles on place les mathématiques.

Il serait judicieux de se demander en quoi l’art a à répondre à une critique dont la visée est d’ordre épistémologique. Et l’on discuterait l’accusation d’imposture dans la mesure où elle évalue l’art à partir de critères esthétiques inscrits dans une critique philosophique de l’art dont on peut discuter le bien fondé.

Enfin, l’accusation d’imposture qui pèse sur Marcel Duchamp tient pour acquis que l’artiste peintre ne doit être qu’un artiste peintre –et pas un joueur d’échecs, par exemple-, qu’un homme doit être un homme –et pas une femme ! En d’autres termes, ce quatrième volet de l’accusation porte sur ce qu’est Marcel Duchamp, sur l’être qui devrait rester identique à lui-même alors que cet artiste est censé le dissimuler ou le travestir. Cette accusation-là repose sur des critères qui, dans leur portée générale, dépassent une simple visée psychanalytique. Ce reproche est d’ordre ontologique.

En effet, cette accusation partirait de l’opinion d’après laquelle, dans une société donnée, chacun se doit de respecter la division du travail établie afin de mieux produire et de subvenir aux besoins de tous ; chacun se devant, en outre, de porter le nom qu’il hérite de sa lignée. Autrement dit, ce dernier grief porterait sur des considérations d’ordre économique et politi­que. En dernier recours, cette accusation ne se nourrirait-elle pas à l’idée que l’on ne doit pas transgresser la différence sexuelle ? Elle justifierait, comme l’énonce Marx dans Société communiste des utopistes et des marxistes [15], une conception bourgeoise de la division du tra­vail et, plus généralement, de l’ordre économique et politique.  Peut-être, est-ce le cas.

Néanmoins, la différence sexuelle porte, sans plus de détour, sur l’identité personnelle de l’artiste et, plus précisément, sur ce que l’artiste est. À ce titre, cette dernière critique repose, comme les autres griefs, sur le principe selon lequel ce qui est se doit de rester tel qu’il est, identique à soi-même et distinct de tout autres choses ou être : le cubisme n’est pas le futu­risme, la peinture n’est pas la photographie… Dès lors, elle révèle la structure entière de l’accusation d’imposture dont Marcel Duchamp est soupçonné. Cette dernière se fonde, im­plicitement, sur le principe ontologique qu’énonce Parménide en son poème, de La Nature, à savoir que l’être est, car il est « formé tout d’une pièce, Exempt de tremblement et dépourvu de fin, Et jamais il ne fut, et jamais ne sera, Puisque au présent il est, tout entier à la fois, Un et continu [16]». Mais sommes-nous sûrs que ce qui est et que l’être en tant qu’il est forment un tout inaltérable et immuable, non engendré et éternel ? Sommes-nous certains que l’être est identique à soi sans relation aucune avec ce qui n’est pas « présent », le non-être ou, l’une des figures du non-être, à savoir le devenir ?  Et quand bien même nous tiendrions là les caracté­ristiques de l’être, sommes-nous prêts à parier qu’il en est de même de l’être de l’homme ? Il s’agit, semble-t-il, d’un présupposé.

Nous tenons donc les éléments d’une première réponse. Une accusation d’imposture repose sur un présupposé d’ordre ontologique : l’identité à soi de l’être. À preuve le fait que seule une accusation tenant à ce qu’est l’imposteur, et non pas à ce qu’il produit, explique pourquoi l’accusation survit à toutes les explications que Marcel Duchamp propose de son œuvre.

En effet, celui-ci ne cesse de rendre compte de ses productions. Dans une conférence datée du 24 Novembre 1964 [17], Marcel Duchamp présente ses œuvres sous forme de diapositives et les commente : « »Église de Blainville˝. Blainville est un village de Normandie où je suis né et ce tableau a été exécuté, alors que je n’avais que quinze ans […] Bien que l’on puisse quali­fier d’ impressionniste ce tableau, il n’accuse qu’une influence très discrète de  Monet ». Et ces œuvres majeures y passent toutes : il note ce que le tableau représente, la date précise de sa réalisation, les influences picturales, techniques ou littéraires que l’on y rencontre… On pourrait donc penser, devant des explications si complètes, devant une telle volonté de rendre compte méticuleusement de ses œuvres, que l’accusation d’imposture tombe. Or, il n’en est rien. Cette  accusation ne porte donc pas sur ce que le peintre fait –qu’aurait-il fait de plus que ce qu’il indique avoir produit ?- elle concerne bien ce que l’artiste est.

Ainsi cette accusation d’imposture survit-elle aux explications autobiographiques de Duchamp, aux relations que celui-ci établit entre ces œuvres et des éléments vécus –Blainville, village de Normandie où je suis né […]  je n’avais que quinze ans…-, car elle naît très précisément d’un soupçon. Le discours autobiographique de Marcel Duchamp n’épuise pas ce qu’il est. L’artiste ne nous dit pas réellement qui il est. Cette accusation se situe bien à un niveau ontologique. Est-elle pour autant légitime ?

L’imposture, le devenir : accusation et riposte  de Marcel Duchamp

Notons tout d’abord que, dans l’accusation d’imposture, quelque chose paraît légitime et fondé. En effet, s’il est démasqué, l’imposteur ne trompe plus personne. Il n’est plus un im­posteur. S’il est encore masqué, c’est que l’on n’a pas encore désigné l’imposteur en tant que tel. On ne fait que le soupçonner. Il trompe peut-être encore, mais ce n’est pas certain. Il n’est pas encore, peut-être sera-t-il. En d’autres termes, l’imposteur ne peut pas « être » au présent un imposteur. Ou il l’a été, et il ne l’est plus. Ou il le sera, et ne l’est pas encore. L’imposteur semble donc souffrir d’une sorte de déficit ontologique en vertu duquel on ne peut que deve­nir un imposteur.

Par conséquent, l’accusation d’imposture se situe au bon niveau : ce qui fait problème dans l’imposture, c’est bien l’être de l’imposteur. Mais contrairement à ce que l’accusation d’imposture suppose, l’imposteur ne nous trompe pas sur qui il est réellement. Car, à propre­ment parler, il ne peut pas « être » au présent un imposteur, il ne peut, au mieux, que le deve­nir.

Faisons un pas de plus. L’accusation d’imposture présuppose, selon une conception proche de Parménide, que l’être est identique à soi -distinct du non-être et du devenir compris comme une des figures du non-être-, que l’on est ce que l’on est et pas autre chose, et que ne pas dire réellement ce qu’on est revient à tromper. Or, l’imposteur, assez proche de la conception on­tologique d’Héraclite [18],   témoigne en faveur de l’idée que l’on n’est pas un imposteur, on le devient. Il pourrait même être un partisan du principe  que l’on n’est pas tel ou tel, c’est-à-dire que l’être n’est pas identique à soi mais en devenir. Dès lors, comment l’imposteur pourrait-il se saisir en son être afin de dire ou de dissimuler ce qu’il est ? Il est dans l’impossibilité de se saisir en son être pour dire ou cacher ce qu’il est, car il n’est qu’en devenir. Quel serait donc son tort ?

Le problème est donc le suivant : l’imposteur présumé, c’est-à-dire Marcel Duchamp, est-il un partisan de Parménide ou d’Héraclite ?  Témoigne-t-il du fait qu’il est possible de se saisir en son être et de dissimuler ce que l’on est sous l’apparence de ce que l’on n’est pas ? Ou bien notre artiste pense-t-il que l’on ne peut tromper sur ce que l’on est faute de pouvoir arrêter le devenir dans lequel on est pris, c’est-à-dire faute de pouvoir arrêter de devenir tel ou tel ?  Marcel Duchamp ne répond pas à la question du point de vue de l’être en général. Mais, grâce à ses œuvres et au commentaire qu’il fait d’elles, il répond pour ce qui concerne l’être de l’homme.

Dans un entretien avec James Johnson Sweeney, qui est alors directeur du Musée Solomon R. Guggenheim à New-York [19], Marcel Duchamp avoue toujours trouver le moyen de se «contre­dire », animé qu’il est par le souci de ne pas se « répéter ». Afin d’éviter de sombrer dans la répétition d’un genre d’œuvres qui, immanquablement, finiraient alors par former une « habitude », « un goût », il s’agit donc de changer de technique, de genres plastiques, voire de domaines. N’est-ce pas dire que l’œuvre de Marcel Duchamp participe moins de ce que l’on appelle une imposture, une sorte de dissimulation, de tromperie concernant une pratique, que de la volonté d’échapper à la routine et à la mode qui viendraient à bout de toute création artistique ? N’est-ce pas préciser, dès lors, que toute pratique artistique ne peut se réduire à être ceci et pas cela, fidèle et identique à soi, sous peine de cesser d’être créatrice ? Tout art authentiquement créateur est en perpétuel devenir : tel est le message de Marcel Duchamp pour ce qui concerne sa pratique.

De plus, ce même entretien éclaire la conception que notre artiste se fait non pas simplement de la pratique d’un créateur, mais de l’être de l’homme. En effet, il déclare : « Je crois que l’art est la seule forme d’activité par laquelle l’homme en tant que tel se manifeste comme véritable individu. Par elle seule il peut dépasser le stade animal parce que l’art est un dé­bouché sur des régions où ne dominent ni le temps ni l’espace [20] ». C’est dire que, par l’art, l’homme cherche à s’arracher à l’animalité, à exister en tant qu’individu, en tant qu’être sin­gulier, et non pas uniquement en tant que membre indistinct d’une espèce vivante. Si l’on fait le rapprochement entre les deux points de la déclaration de Marcel Duchamp, on comprend que l’animal est dominé par le temps, que sa façon d’être au monde se résume à une vie bio­logique ancrée dans le temps naturel et cyclique de la génération et de la corruption. L’homme, quant à lui, tente d’exister en tant qu’individu singulier, cherche à éviter la répéti­tion, l’habitude, la routine et, de façon générale, tout ce qui pourrait ramener existence au temps biologique, naturel, cyclique, commun à tous les êtres vivants. C’est ainsi que, par le Nu descendant l’escalier, n°2, notre artiste cherche à produire une « représentation statique du mouvement » : « une composition statique d’indications statiques des positions diverses prises par une forme en mouvement [21] ». Ici, Marcel Duchamp montre que, disposant de l’espace propre à une toile, l’artiste peut y arrêter, s’il le désire, l’écoulement du temps natu­rel.

On admet, en somme, que l’homme, en son être, ne peut être identique à soi sans renoncer à être homme. Car être homme, c’est s’arracher au caractère naturel et cyclique du temps qui fonde l’identité de l’être et le caractère identique de tout être. C’est être en devenir ; devenir autre que ce que l’on est.

À l’accusation d’imposture, Marcel Duchamp répond par conséquent, d’une part, que tout art est en devenir et, d’autre part, que tout homme, en tant qu’homme et pas simplement en tant qu’artiste, est en devenir. À moins de renoncer à son être d’homme, nul n’a à se saisir en son être comme si ce dernier avait à être identique à soi. Tout homme, et a fortiori tout  artiste, est en son être un imposteur.

Toute accusation d’imposture se situe donc bien au bon niveau, c’est-à-dire à un niveau on­tologique. Mais elle ne paraît pas pour autant fondée, dans la mesure où elle repose sur une conception de l’être, en général, et de l’être de l’homme, en particulier, qui demeurent discu­tables.

Sens et interprétation des œuvres d’art

Cependant, l’accusation d’imposture se maintiendrait en se fondant sur ce même propos de Marcel Duchamp. Ce dernier avoue chercher et toujours trouver le moyen de « se contredire » afin d’éviter la répétition, l’habitude, la formation d’un goût –c’est-à-dire une mode- qui fe­raient injure à l’idée même d’œuvre. Mais pour se « contredire », pour dire à la fois une chose et son contraire, encore faudrait-il dire quelque chose, que les œuvres produites aient un sens. L’accusation d’imposture porterait sur la question du sens des œuvres. L’imposture résiderait en ce que l’imposteur cherche à nous faire admettre que toute accusation relève d’un pro­blème relatif à l’être, alors même que l’imposture est une affaire de sens. L’imposteur n’est-il pas celui qui prétend produire du sens alors que ce n’est pas le cas ?  De façon plus clémente, l’imposteur n’est-il pas celui qui dissimule le sens dernier de ce qu’il fait ?

Les contrepèteries, que Marcel Duchamp publie sous le pseudonyme de « Rrose Sélavy », pourraient étayer la première version de cette accusation d’imposture. Prenons quelques exemples de contrepèteries : « la crasse du tympan » pour « le sacre du printemps », ou bien « Rrose Sélavy trouve qu’un incesticide doit coucher avec sa mère avant de la tuer ; les pu­naises sont de rigueur », ou encore « la différence entre un bébé et un premier prix d’horticulture potagère est que, le premier, est un souffleur de chair chaude et, le second, un chou-fleur de serre chaude [22]». Ces exemples participent bien de la contrepèterie, c’est-à-dire de l’inversion de lettres ou de syllabes à laquelle on procède afin de passer d’un sens premier à une signification seconde, de préférence burlesque voire grivoise. Mais tout le sens de ces contrepèteries semble se réduire à elles-mêmes. Où est la contradiction produite afin d’éviter la répétition, l’habitude, la formation d’un goût ?  En quoi réside la contradiction entre ces contrepèteries et les ready-mades de la même époque ? Comprise du point de vue de la pro­duction de sens, on pourrait dire que les œuvres de Marcel Duchamp paraissent surévaluées [23].

L’œuvre que Marcel Duchamp a composée dans le plus grand secret de 1946 à sa mort –Étant donné : 1°la chute d’eau, 2°le gaz d’éclairage-, renforcerait l’idée que, si l’œuvre de Marcel Duchamp a un sens, leur auteur ne dévoile pas son sens ultime. Aujourd’hui visible au Philadelphia Museum of Art, cette réalisation est se présente comme un peep-show. Dans un mur se trouve une vieille porte en bois, fermée. Si le visiteur s’approche, il remarque deux trous à la hauteur des yeux. À travers la porte, il voit une femme  nue, étendue sur le dos. Les jambes écartées, un pied orienté vers le spectateur, son sexe apparaît entre ses cuisses large­ment offertes à la vue de celui qui regarde.  Sa chevelure lui masque le visage alors même qu’elle tient une lampe à gaz allumée dans sa main visible. Or, il serait facile de retrouver dans cette œuvre-là beaucoup d’autres productions de l’artiste. Le titre s’inspire de l’une de ces notes publiées dans la Boîte verte [24], à propos de La mariée mise à nu par ses célibataires, même [25] ; la femme mise à nu est un thème qui, présent dans l’œuvre de l’artiste depuis Dulcinée [26], trouve un dernier écho dans Bec Auer [27].  Dès lors, pourquoi ne pas penser que les œuvres antérieures à Étant donné sont autant d’esquisses, de travaux préparatoires, à cette œuvre finale ? On pourrait également supposer que toutes les réalisations antérieures à Étant donné ne trouvent leur sens que par rapport à la signification de cette même  œuvre ; œuvre que, dans une dernière tentative de dissimulation, Marcel Duchamp l’imposteur déroberait autant à nos regards qu’à notre jugement.

Néanmoins, une réponse à cette accusation se trouve dans l’analyse que Marcel Duchamp fait du processus créatif, des « deux pôles de toute création d’ordre artistique : d’un côté l’artiste, de l’autre le spectateur » [28]. En effet, il soutient que l’artiste est une sorte de « médium », quelqu’un qui voit au-delà des barrières de l’espace et du temps ; quelqu’un  à qui « nous de­vons refuser la faculté d’être pleinement conscient, sur le plan esthétique, de ce qu’il fait ou pourquoi il le fait –toutes ses décisions dans l’exécution artistique de l’œuvre restent dans le domaine de l’intuition et ne peuvent être traduites en une self-analyse, parlée ou écrite ou même pensée [29] ». Par ces déclarations, Marcel Duchamp répond à l’accusation d’imposture que le sens des œuvres n’est pas plus absent que dissimulé par l’artiste, dans la mesure où ce dernier n’a pas la pleine conscience de ce qu’il va produire, c’est-à-dire n’est pas détenteur du sens –ou de l’absence de sens- d’une œuvre à venir. Comment pourrait-il le dissimuler ? Au­trement dit, l’accusation d’imposture présuppose que, détenteur d’une claire intention créa­trice, l’artiste connaîtrait le sens –ou l’absence de sens- de ce qu’il produit . Ce que dément toute pratique artistique.

Puis, revenant sur cette idée que le processus créatif s’opère entre deux pôles, l’artiste et le spectateur, Marcel Duchamp ajoute : « Somme toute, l’artiste n’est pas seul à accomplir l’acte de création car le spectateur établit  le contact de l’œuvre avec le monde extérieur en déchiffrant et en interprétant ses qualifications profondes et par là il ajoute sa propre contri­bution au processus créatif [30] ». N’est-ce pas dire que c’est l’autre pôle du processus créatif, le spectateur, qui constitue le sens de l’œuvre, qui déchiffre et interprète l’œuvre au point de dire si cette dernière a du sens ou si elle n’en a pas ? En d’autres termes, Marcel Duchamp récuse l’accusation d’imposture en renvoyant ses accusateurs-spectateurs  à eux-mêmes. Ce ne sont jamais que les spectateurs –les « regardeurs »-, du peep-show que constitue Étant donné qui font les tableaux, qui décideront, d’une part,   du sens ou de l’absence de sens de cette œuvre et, d’autre part, de la dissimulation du sens pour les autres productions de notre artiste [31]. Ce ne sont jamais que les lecteurs des contrepèteries publiées sous le nom de Rrose Sélavy qui se risquent à surévaluer le sens de cette production littéraire.

En somme, Marcel Duchamp répond que l’artiste ne détient pas le sens de ses propres œuvres parce que le spectateur ou le lecteur est co-auteur de l’œuvre. Dès lors, il avance que le spec­tateur ou le lecteur n’est pas simplement quelqu’un qui voit ou lit, mais quelqu’un qui regarde et réécrit et que, eu égard au caractère actif que ces actes requièrent, le spectateur ou le lecteur ne se contente pas d’éprouver passivement une émotion : il juge du sens de ce qui se présente à son regard ou à son entendement. Toute la difficulté est dans le fait de devoir interpréter le sens d’une œuvre sans pouvoir recourir à des règles d’interprétation du sens, à une sorte d’herméneutique esthétique.

Il nous apparaît, par conséquent, qu’un imposteur est produit par un jugement relatif au sens d’une œuvre qu’émet un spectateur ou un lecteur. Il est, en partie, notre création : notre œu­vre.

En somme, l’accusation d’imposture se fonde sur deux présupposés.  En dehors de toute in­terprétation psychanalytique, le premier présupposé de cette accusation d’imposture est d’ordre ontologique. Elle ignore que, pris dans un devenir perpétuel, l’être de l’homme ne peut être identique à soi-même. Deuxièmement, l’accusation d’imposture tient à un présup­posé relatif au sens. Or, elle semble tout ignorer du processus créatif, du fait que l’artiste ne détient pas le sens de ses productions et, qu’en dernier recours, le sens dépend du co-auteur de l’œuvre : le spectateur ou le lecteur. À travers notre enquête et l’exemple de Marcel Duchamp, il apparaît que le nom d’imposteur ne recouvre pas un genre dont le faux dévot, le menteur, l’escroc et autres auteurs de tromperies constitueraient les espèces. La tromperie de ces derniers porte avant tout sur des choses là où l’imposture concerne l’être et le sens de ce que fait et de ce qu’est l’imposteur. La figure de l’imposteur serait plutôt emblématique de ce que tout homme est : un être en devenir, incapable se fait de se saisir lui-même ou d’être saisi en ce qu’il est. Un homme qui, n’ayant pas toujours clairement conscience du sens de ce qu’il crée –produit ou fait, pourrions-nous dire, dans le cas où l’homme n’est pas artiste-, peut se trouver accusé d’imposture par ceux qui, en dernier recours, jugent du sens de ce qu’il crée, produit, ou fait. Qu’est-ce donc qu’un imposteur ? Parfois un artiste ayant pris le risque d’être un homme. Un homme, placé sous le regard d’autres hommes, et c’est tout.

Catherine CHOMARAT-RUIZ

Philosophe, historienne des jardins et des paysages

Maître de conférences à l’École nationale supérieure du paysage de Versailles

Responsable scientifique du LAREP (Laboratoire de recherche de l’école du paysage de Versailles), chercheur de l’équipe Proximités, SAD-APT (UMR 1048, INRA), et chercheur corres­pondant du Centre André Chastel – (UMR 8150, CNRS, Université Paris-Sorbonne, Paris IV, DAPA)

c.chomarat@orange.fr

[1] Freud, S., Une difficulté de la psychanalyse (1916) ; dans  L’Inquiétante étrangeté et autres essais, Paris, Gallimard, 1985.

[2] Duchamp, M., Nu descendant un escalier n°2, 1912, Huile sur toile 146 x 89 cm, Philadelphia Museum of Art, collection Arensberg.

[3] Duchamp, M., Trois stoppages étalon, 1913-1914, Assemblage. Coffret de jeu de croquet (129,2×22,7cm), trois fils de 1 m de long collés sur bandes de toile (120×13,3 cm), chacune montée sur verre (125,4×18,4 cm). New-York, The Museum of Modern Art.

[4] Notons que Duchamp s’intéresse aux mathématiques et, plus particulièrement, à H. Poincaré.

[5] Duchamp, M.,  Roue de bicyclette, 1913. Original disparu. Exemplaire au Centre Georges Pompidou, Paris.

[6] Duchamp, M., Étant donnés : 1° la chute d’eau, 2° le gaz d’éclairage, 1946-66, 242,5 x 177,8 x124,5 cm, Philadelphia Museum of Art.

[7] Duchamp, M., Rrose Sélavy, 1939 dans Duchamp, M., Duchamp du signe. Écrits, textes réunis par Michel Sanouillet, Paris, Flammarion, coll. « Champs Flammarion », 1994, p  151-164.

[8] Man Ray, Rrose Sélavy, photographie, 1920-1921.

[9] Quand, en 1953, Duchamp se fait connaître aux Etats-Unis, un critique revient sur son œuvre pour écrire que « Marcel Duchamp […] cubiste raté, traversa l’Atlantique avec l’intention bien arrêtée de choquer l’Amérique par des farces d’atelier qui n’avaient que peu suscité d’intérêt en France. Il faut bien que Duchamp ait réussi au-delà de ses plus folles espérances, car aujourd’hui les historiens de l’art rivalisent d’ardeur pour lui rendre hommage […]Malheureusement la vérité est que l’art n’a jamais comblé Marcel Duchamp de ses faveurs ».

[10] Duchamp., M., dans Marcel Duchamp, Philadelphia, Philadelphia Museum of Art, éd. A. d’Harnoncourt et K. McShine, Chicago, recueil d’essais et catalogue de la collection Duchamp du Philadelphia Museum, 1974.

[11] Le livre II des Lois se trouve dans Platon, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, coll. « La Pléidade », vol. 2, 1943.

[12] On peut consulter les livres III et X  de La République dans Platon, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, coll. « La Pléidade », vol. 1., 1950.

[13] Ibid., livre VI.

[14] Ibid., livre X.

[15] Engels F., et Marx, K., « Société communiste des utopistes et des marxistes », dans Utopisme et communauté de l’avenir, Paris, Maspero, coll. « Petite collection Maspero », 1976, p 79 et suivantes.

[16] Parménide, De la nature. La traduction est empruntée au recueil intitulé les Présocratiques, Gallimard, coll. « La Pléiade », 1988, p 263.

[17] Marcel Duchamp, À propos de moi-même, conférence prononcée au City Art Museum de Saint-Louis (Missouri), 1964. Ces notes ont été publiées pour la première fois dans le catalogue établi par A. d’Harnoncourt et K. McShine,, pour la rétrospective Marcel Duchamp de 1974. On peut les lire dans Marcel Duchamp, Duchamp du signe, op. cit. , p 218 et suivantes.

[18] D’après ce que nous en rapporte Platon dans le Cratyle (402a), Héraclite dit que « tout passe et que rien ne demeure », c’est-à-dire que tout est en devenir. On peut lire ce dialogue et cet extrait dans Platon, Œuvres com­plètes, Paris, Gallimard, coll. « La Pléidade », vol. 1, 1940.

[19] L’entretien date de 1955. On peut en prendre connaissance dans Marcel Duchamp, Duchamp du signe, op. cit., p 175 et suivantes. C’est nous qui soulignons.

[20] Id., p 185.

[21] Duchamp, M. « Propos », dans Marcel Duchamp, Duchamp du signe, op. cit., p 171

[22] Ces exemples sont extraits de Rrose  Sélavy, (1939), dans Marcel Duchamp, Duchamp du signe, op. cit., p 153-154.

[23] Tel est le terme employé par Joseph Beuys lors d’un happening retransmis par la télévision allemande (Düsseldorf, 1964).

[24]Sur  Duchamp, M.,  La boîte verte (1934), notes pour La mariée mise à nu par ses célibataires, même, consul­ter  Marcel Duchamp, Duchamp du signe, op. cit., p 39 et suivantes.

[25] Duchamp, M., La mariée mise à nu par ses célibataires, même, resté inachevé en 1923. Reconstruite  plusieurs fois, on peut en voir un exemplaire au Philadephia Museum of Art : Huile, vernis, feuilles de plomb, fil à plomb et poussière sur deux panneaux de verre montés sur aluminium, bois et cadres en acier, 272, 5 x 175, 8 cm.

[26] Duchamp, M., Dulcinée, 1911, Huile sur toile, 146 x 114 cm, Philadelphia Museum of Art.

[27] Duchamp, M.,  Bec Auer, 1968, Gravure sur papier fait à la main, 50,5 x 32,5 cm, Milan, Collection Arturo Schwarz.

[28] Duchamp, M.,  « Le processus créatif », in Arts News, vol. 56, n°4, New York, 1957. On trouve ce texte dans Marcel Duchamp, Duchamp du signe, op. cit., p 187.

[29] Id.

[30] Id.

[31] Sur ce point, lire « Le processus créatif », dans Marcel Duchamp, Duchamp du signe, op. cit., p 189.