La page fait triangle avec l’œil et l’oreille, s’écoutant du dedans – en cette lecture ambrosienne qui avait tant surpris Saint Augustin voyant son ami lire les lèvres closes. La répétition de la musique, son effleurement propitiatoire, coïncident alors avec son prononcé véritable, son lancé sans retour. La toccata haptique, presque muette, est le déchiffrage et le concert à la fois. Le grain du son, ce braille en silence rasant, va donc pouvoir se suivre du doigt, comme les anciens saphirs faisant chanter les sillons. La pointe de l’écoute fait sonner le temps immédiat et l’archive simultanément. Elle semble l’effacer quand elle le souligne. L’oreille absolue, celle qui nomme et qui dénonce, doit quitter le front pour passer à l’écoute arrière (qui n’est pas du renseignement). Elle échantillonne, recompose, lie et phrase. Elle noue des paires, prépare des fables : La Pulpe et le lobe, L’Ongle et le pavillon, La Lunule et le tympan. Ainsi, à peine a-t-on touché l’instrument, parcouru le manche, vérifié l’accord, assuré le tempérament, que la ligne a déjà été parcourue, révoquée. Le son interstitiel joue soliste, les nœuds du tapis sont le motif. L’oreille retisse ce qu’elle amasse pour en faire partita de soie non partageable, ou faille pour les mantilles de sourds.
Gérard Pesson
(octobre 2010)
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Répons graduel pour l’oreille gauche